Icônes & Influences : Joni Mitchell, Nina Simone et Beyoncé vues par la relève - Rolling Stone

20/05/2022 Par acomputer 464 Vues

Icônes & Influences : Joni Mitchell, Nina Simone et Beyoncé vues par la relève - Rolling Stone

Elles ont brisé les codes, tracé leurs propres chemins et rendu possibles de nouvelles perspectives. Haim, Brittany Howard et Chloe x Halle rendent hommage à leurs icônes de toujours

Joni Mitchell, par les sœurs Haim

Haim est un trio de musiciennes originaires de Los Angeles. L’année dernière, elles ont dévoilé leur nouvel album, le brillant Women in Music, Part III, considéré comme un disque majeur de 2020, mélange de neo-folk et de soft rock.

DANIELLE HAIM : Miles of Aisles, c’est l’album de Joni Mitchell qui a lancé notre histoire d’amour, et c’est celui vers lequel je reviens toujours. C’estson album live de 1974. Il y a un peu de tout (…) et elle les joue avec le L.A. Express, qui était un groupe de jazz incroyable. C’est une excellente toile pour faire vibrer sa musique.

ESTE HAIM : Elle s’intéressait de plus en plus au jazz dans les années 70. Ce disque est une ré-imagination de beaucoup de ses premiers travaux dans l’optique du jazz. Bien sûr, quand nous l’avons entendu pour la première fois, nous ne pensions pas à tout ça. Nous étions allées avec notre mère chez ce disquaire, niché dans la vallée, appelé Second Bin, qui, malheureusement, a dû fermer.

ALANA HAIM : J’avais environ six ans. C’était à peu près le seul CD qui se trouvait dans la voiture de notre mère – je ne pense pas qu’elle savait comment changer le disque, donc on écoutait que ça. Et parce qu’on était si jeunes, parce que ma mère connaissait toutes les chansons par cœur et je pensais qu’elle était Joni Mitchell. Elle connaissait chaque phrasé et chaque mélodie.

ESTE : Notre mère jouait de la guitare et n’avait pas peur de chanter, et heureusement, elle a une très bonne voix. La manière dont notre mère aimait Joni, cela nous a fait aimer Joni encore plus.

DANIELLE : Au lycée, quand nos amies ont vécu leurs premiers chagrins d’amour, je voyais leurs mères leur dire : « Écoute Blue,’ « A Case of You, » « River » – ces chansons ont été les mouchoir de beaucoup de nos chagrins.

ALANA : Nous avons eu la chance de l’écouter alors que nous étions très jeunes. A six ans, en écoutant Miles of Aisles, on ne comprend pas vraiment le sens des paroles. Et puis nous avons en quelque sorte grandi avec elle. Chaque année, ses chansons prennent de nouvelles significations, et je pense que c’est la que réside la beauté de Joni.

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DANIELLE : Son sens du rythme a toujours été dans notre ADN.


Nina Simone, par Brittany Howard

Brittany Howard a fait ses armes avec le groupe Alabama Shakes, où elle officie comme chanteuse, guitariste et compositrice. Elle a sorti son premier opus solo en 2019, l’excellent Jaime. Un disque qui lui a valu 4 nominations aux Grammy Awards.

Ce qui me touche le plus chez Nina, c’est sa sensibilité, sa capacité à être incroyablement puissante, terriblement vulnérable. Elle connaissait sa valeur. Elle s’est battue pour les droits sur sa musique, pour les royalties qui lui étaient évidemment dues. Les gens l’ont mise sur le côté, la qualifiant de cette « femme noire et en colère. » Mais c’était ses chansons. Ce sont ses performances.

C’est une chose à laquelle je m’accroche : vous devez toujours surveiller vos arrières dans cette industrie. Elle voulait de l’amour, une connexion, sentir sa valeur. Elle voulait être entendue. Elle voulait la justice.

Je ne sais pas si je la comprendrai un jour pleinement. Il y a cet aspect chez elle, qui est resté une source d’inspiration pour moi, qui était de ne pas croire à la nécessité de faire être un succès commercial. Je pense qu’elle avait beaucoup de frustrations, mais en fin de compte, cela n’avait pas d’importance. Elle était elle-même, même si cela était compliqué ou parfois désastreux, ou même si cela pouvait sembler mauvais parfois. C’était elle.

Avec le développement de YouTube, j’ai pu me plonger plus longuement dans son répertoire, j’en ai appris plus sur Nina. Il y a des images inédites de son concert « Stars » au Festival de jazz de Montreux en 1976. C’est une chanson de Janis Ian. Elle et Janis étaient très amies. Je pense aussi à « Backlash Blues » et « I Wish I Knew How It Would Feel to Be Free », de cette même performance à Montreux en 1976. Ces performances me donnent des frissons.

Jouer peut paraître banal, mais je pense qu’elle a fait quelque chose de plus que simplement « jouer ». Et c’est quelque chose que je veux faire. C’est plus qu’une question d’argent. C’est plus que de pouvoir remplir des salles grâce à son nom ou à des récompenses, ou des distinctions. Aujourd’hui, j’ai l’occasion de me produire sur scène, je suis acceptée tel que je suis vraiment. C’est très inspirant.

Elle était toutes ces choses. Elle était pleine de rage, de vengeance, de problèmes. Elle était toutes ces choses – mais elle était avant tout un être humain. Dans notre culture en particulier, nous voulons que nos superstars soient parfaites. Nina Simone est une superstar, une icône, qui est tout sauf parfaite.


Beyoncé, par Chloe x Halle

Chloe x Halle est un duo de chanteuses et actrices américaines composé des sœurs Chloe Bailey et Halle Bailey. Issues de la génération d’artistes propulsées via YouTube (leurs reprises de Beyoncé, Alicia Keys et Rihanna ont à l’époque cartonné), elles ont sorti l’album acclamé, Ungodly Hour, en juin 2020.

Beyoncé est la véritable définition « d’être soi-même », « de travailler dur » et « de donner le meilleur de sa personne ». En tant que jeune artiste et jeune femme noire, vous connaissez automatiquement votre valeur. Vous savez qu’il faut se mettre en position de force, surtout quand vous voyez une telle artiste. Vous vous dites : « Regardez cette autre femme noire qui casse la baraque. Tout ce qu’elle a à faire, c’est être elle-même. »

Elle comprend parfaitement ce que cela signifie d’être une artiste. Donc quand on produit, c’est uniquement nos propres idées, nos propres paroles et mélodies. [Chloe x Halle sont signées sur le label de Beyoncé, Parkwood Entertainment, ndlr] Nous avons une totale liberté de création. Elle nous laisse déployer nos ailes, expérimenter, faire ce qu’on veut.

Bien sûr, nous aimons et apprécions ses remarques. Lorsque nous lui avons envoyé notre dernier album, Ungodly Hour, elle n’avait presque pas de commentaires – ce qui est rare. Nous avons été stupéfaites, mais tellement heureuses. C’est un voyage difficile, très difficile d’être sur le devant de la scène. Une petite chose que vous faites peut être sur-analysée par le monde entier. On doit rester fortes et ne pas se laisser abattre. Voir Beyoncé s’élever au-dessus de toute la foule et être simplement à l’aise avec son talent, c’est tellement inspirant. Avec elle, vous n’avez pas besoin de tamiser votre lumière. Brillez, juste. Soyez vous-même. Soyez libre. Parce qu’elle l’a fait, elle nous pousse à croire que nous pouvons le faire aussi.


Interviews extraites du numéro 1349 de Rolling Stone USA (mars 2021). Traduction : Rolling Stone France/Samuel Regnard