Le pyjama, cette tendance du confinement qu'on va vouloir oublier

22/08/2022 Par acomputer 370 Vues

Le pyjama, cette tendance du confinement qu'on va vouloir oublier

MODE - Plutôt pyjama ou jogging? Si certains risquent de les chérir ces quatre prochaines semaines, notre vestiaire et notre façon de nous habiller ont été bouleversés depuis un peu plus d’un an, date à laquelle le premier confinement a débuté chez nous en France. Le temps passé chez nous, loin des bureaux, des bars ou de tout autre lieu de sortie, y est pour beaucoup.

Dans les chiffres, ça se traduit par un recul de 15,6% du marché de l’habillement en 2020, selon l’institut de données Kantar. Alors qu’aux États-Unis, les ventes se sont effondrées de 19% en un an, les boutiques hexagonales déplorent, elles, un bilan des soldes d’hiver 2021 mitigé, encore “moins bonnes que l’année passée”, assure Francis Palombi, président des commerçants de France, au micro d’Europe 1.

Dans les faits, c’est dans nos habitudes vestimentaires que ça se voit. Dans Les Échos de ce mardi 16 mars, on apprend sans surprise que les vêtements formels sont les premiers à pâtir de la situation. En 2020, les ventes de costumes ont reculé de 40%, “passant à 677.000 contre plus de 3 millions en 2010”, assure Hélène Janicaud, responsable mode chez Kantar, au quotidien.

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Du côté de ce qu’on appelle le “loungewear” et le “homewear”, c’est-à-dire les vêtements de détente et d’intérieur, c’est l’effet inverse. Les ventes ont progressé de 9% au second semestre 2020, “quand le marché féminin de l’habillement reculait de 7 % sur la période”, rappelle le titre d’info éco. Outre-Atlantique, même son de cloche. La vente de pyjamas a augmenté de 5%, nous dit le Wall Street Journal.

L’alliance mode et confort

Ça n’est pas étonnant. “Les gens cherchent une manière différente d’allier mode et confort”, concède la directrice du secteur habillement de la chaîne de grands magasins Saks Fifth Avenue, Roopal Patel, au quotidien américain. Le phénomène aurait commencé dès le mois de mars 2020. “Tout le monde expérimente désormais une façon de porter ces pièces dans leurs looks du quotidien, ce qu’ils n’auraient pas fait il y a un an”, ajoute-t-elle.

Dans la presse, la tendance fait parler. “Envie d’ajouter un peu de luxe à votre sommeil? Les pyjamas en soie sont la solution”, suggère CNN. Le magazine InStyle nous donne, lui, dix astuces pour porter ledit ensemble à l’extérieur. Pour Vogue, ça nous permet tout simplement de ne plus avoir à nous changer au moment d’aller au lit.

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Mais voilà, pour combien de temps encore? La tendance peut-elle vraiment s’installer dans nos armoires? “Oui et non”, nous dit Bénédicte Régimont, autrice spécialisée dans la psychologie de l’habitat. Bien loin des podiums et des collections de l’industrie de la mode, c’est dans l’étude de nos comportements psychiques et mentaux qu’on peut trouver des réponses.

“Même si c’est une période au cours de laquelle on a tendance à se laisser plus aller, le confort reviendra malgré tout. On en aura toujours besoin, explique la spécialiste, interrogée par Le HuffPost. Toutefois, il reviendra sporadiquement, le week-end, en soirée, ou pendant les vacances.”

Un lâcher-prise pas si vertueux

Il n’y aura pas de rejet de ce vestiaire, mais peut-être des pièces qu’on aura achetées depuis le début de la pandémie, une période synonyme d’anxiété, de peine et d’incertitudes pour beaucoup. “Celles-ci, on ne les gardera pas”, avertit l’experte. Dans notre pyjama, le corps n’est plus contraint. Comme devant les décisions politiques et notre docilité à les accepter, poursuit Bénédicte Régimont, une forme de lâcher-prise s’est construite en nous. A-t-on encore le contrôle sur quelque chose? “Ce n’est pas positif, c’est une forme d’abandon, ajoute-t-elle. On se laisse porter, on laisse les autres décider pour nous.”

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La psychothérapeute Catherine Bronnimann nuance, elle préfère parler de “laisser-aller”. Porter des vêtements pour se plaire à soi ou aux autres est normal, mais si ce fameux laisser-aller “se produit alors que nous étions avant cela dans une manière de nous vêtir pour paraître, ça peut nous amener à une prise de conscience” des pressions sociales, précise l’autrice du livre La robe de Psyché, un essai qui tisse les liens entre la psychanalyse et la mode.

Deux voies vestimentaires risquent de s’ouvrir à nous, d’après elle. La première, c’est celle de la “séduction”. Elle est liée à notre besoin de nous savoir désirables. “La seconde s’assimile à une prise de conscience de l’espace entre le vêtement et le corps”, poursuit Catherine Bronnimann. Elle se traduit par des habits plus près du corps, signe “d’une volonté d’être plus près de soi”.

“Tu vas te sentir vivante”

On y pense déjà. Dans cet article du New York Times, l’autrice américaine Lou Stoppard raconte comment le confinement lui fait regretter sa paire de chaussures à talons qui lui ont toujours fait mal aux pieds. Elle n’est pas la seule. En ouvrant notre armoire, bon nombre d’entre nous aperçoivent des vêtements qu’on a depuis plusieurs mois délaissés. Ils nous manquent.

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Souf, un jeune trentenaire parisien, pense immédiatement à tout un tas d’habits Givenchy qu’il a dans son dressing, “des fringues qui ne se mettent pas vraiment pour aller chercher le pain”. Morgane, elle, c’est une combinaison en résille. Celle qui lui évoque la fête, “Berlin, la danse, la sueur, les petits matins insouciants, la légèreté”, nous dit l’ingénieure.

De son côté, Louise Parent regarde avec envie cette robe qu’elle a revêtu lors du gala du magazine Business of Fashion, en 2019, “une robe assez simple, mais très bien coupée et dans laquelle [elle] se sentait bien”.

La célèbre consultante en stratégie et image ajoute: “Ce qui me manque vraiment, ce sont les robes que tu portes pour une occasion spéciale.” Elle se souvient de toutes ces fois où elle rentrait plus tôt du travail pour se changer et se “pimper comme jamais”. “Tu te regardes dans le miroir, tu te sens belle. Tu enfiles tes chaussures, tu ajustes ta mise en beauté, tu commandes ton taxi. Ce soir, tu vas te sentir vivante”, se remémore la jeune femme, non sans émotion.

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Le plus nostalgique des objets

C’est normal. “Quand on ne peut plus sortir et qu’on tombe sur cette petite robe qu’on avait l’habitude de porter l’été pour se sentir sexy, on a envie de retrouver ce sentiment, précise Bénédicte Régimont. On a besoin de retrouver notre vie d’avant. Celle-ci est corrélée à nos vêtements. Ils sont porteurs d’un message et d’un marqueur social.”

Les beaux jours arrivent. Pourtant, l’incertitude reste la même. Nos vêtements réactivent la mémoire d’un temps plus calme et agréable. Nous sommes nostalgiques. “Les vêtements sont empreints de souvenirs”, ajoute Bénédicte Régimont. La spécialiste prend l’exemple d’une robe qu’a gardée sa belle-mère, celle qu’elle portait le jour où elle a rencontré le père de son mari. Elle n’est pas sans rappeler ce petit habit qu’on a toutes et tous conservé de notre enfance.

Catherine Bronnimann partage cet avis. La psychothérapeute va même plus loin. Les vêtements, ceux qui nous sont fétiche ou porte-bonheur, sont sans doute les objets les plus à même de créer en nous de la nostalgie. “Ils sont plus près de nous. On les sent sur notre corps. Il y a plus d’implication qu’avec n’importe quel autre objet. Ceux-là, on peut les toucher, certes, mais on ne fait généralement que les voir”, observe-t-elle.

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Les vêtements, eux, sont notre enveloppe, “ils sont notre énergie, ils ont notre empreinte”, ajoute Bénédicte Régimont. Nous sommes attachés à eux. Et ce, sans doute plus qu’au bas de pyjama acheté le mois dernier.

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