Patrick Coutin : La voie de l'indépendance - Rolling Stone

14/12/2022 Par acomputer 436 Vues

Patrick Coutin : La voie de l'indépendance - Rolling Stone

C’était quoi, au juste ? De la variété ? Du rock garage ? Un manifeste pré-post-punk ? En 1981, une chanson ovni déboule sur les ondes des toutes fraîches radios libres. Un truc qui colle toujours au corps et au cœur, près de quarante ans après, baptisé “J’aime regarder les filles”. Responsable, le nommé Patrick Coutin, globe-trotter invétéré, libertaire soixante-huitard et rock-critique à ses heures, soudain propulsé au sommet des hit-parades de l’époque et devenu star des discothèques et des campings. Tout ça pour une chanson de frustration, enregistrée en plein mois d’août, en confinement dans le studio d’Hérouville pendant que tout le monde s’ébattait sur les plages.

Comme il le raconte, “J’ai mis longtemps à m’en remettre. Brusquement, je suis devenu quelqu’un d’autre, je gagnais de l’argent, on me courtisait, j’étais invité partout. C’est vite devenu trop lourd à porter, d’autant que je n’avais jamais rêvé de devenir une vedette de variété française.” Au lieu de se contenter de continuer à mater tranquillement la démarche des baigneuses, Coutin a choisi une autre voie : celle de l’indépendance, de l’aventure, bref, de la liberté. Aujourd’hui, le voilà fort d’une dizaine d’albums, dont les trois derniers sont édités aussi sous forme d’un coffret luxueux, intitulé Coutin Paradise et illustré par des dessinateurs comme Liberatore, Di Rosa et Gilbert Shelton.

Virée californienne

Son truc, ça a toujours été le rock. Celui des Stones et des Doors, ses deux groupes fétiches, sans oublier Bob Dylan et Neil Young, même si le premier 45-tours qu’il a acheté était “Retiens la nuit” par Johnny. Natif de Sfax, en Tunisie, d’un père militaire vendéen et d’une mère italienne, élevé à Saumur, Maine-et-Loire, c’est à Paris qu’il devient étudiant en philo, littérature et arts plastiques, dans une Sorbonne occupée par les manifestants de Mai 68.

Marx, Marcuse, Mao, même combat, mais c’est sous l’égide d’un autre mentor qu’il se met à fréquenter une certaine intelligentsia parisienne réfugiée à La Coupole : le romancier et poète Daniel Théron, alias Jack-Alain Léger, alias Dashiell Hedayat, auteur du cultissime album Obsolete en compagnie du groupe Gong, lui fait rencontrer Andy Warhol et l’initie aussi à la beat generation, Kerouac, Ginsberg, Burroughs et consorts. Coutin assistera même la traduction française en cut up fantaisiste du Tarantula de Dylan, signée de Théron et publiée chez Bourgois. Mais c’est un concert du Grateful Dead, à Pontoise, qui lui donnera l’envie d’aller voir ailleurs comment vibre la musique. Le voilà qui débarque à San Francisco avec guitare et sac à dos. Il restera deux ans en Californie, exerçant divers petits boulots, dont, fallait l’inventer, guitariste accompagnateur d’une danseuse du ventre.

Patrick Coutin : La voie de l'indépendance - Rolling Stone

Rentré en France, le voilà qui devient journaliste pour le magazine Rock&Folk : “J’ai sonné à la porte, j’ai prétendu que j’avais déjà écrit des articles pour la free presse américaine et ça a démarré comme ça. Je suis même devenu le spécialiste de la musique baba cool : mon premier papier publié parlait de Genesis…”

La musique dans la peau

Pas étonnant que le groupe de rock qu’il fonde alors s’intitule Reporter. Entre deux concerts au Gibus, par l’entremise de Laurent Thibaut, ingé son dans les mythiques studios d’Hérouville, le groupe profite d’un trou dans le planning pour enregistrer son premier album au cours de l’été 1980. Avec une chanson ajoutée au dernier moment, l’histoire d’un mec qui espionne les gonzesses en maillot de bain. Ce n’est qu’un an plus tard, que le titre en question connaîtra le succès que l’on sait, avec un million d’exemplaires écoulés. L’histoire aurait pu s’arrêter là, comme celle de tant de chanteurs auteurs d’un seul tube avant de disparaître dans l’oubli collectif.

Sauf que Patrick Coutin a désormais la musique dans la peau. Lui qui rêvait de devenir réalisateur de cinéma et qui avait acheté sa première guitare pour les beaux yeux d’une fille, devient aventurier baroudeur des douze mesures. Qu’il crée une structure musicale à Bobigny ou produise Dick Rivers ou les Wampas à Austin (dans les studios de Willie Nelson !), c’est toujours avec la même passion. Pareil pour Star 80, la tournée des ex- idoles, qu’il fréquente pendant quatre ans avant de jeter l’éponge : “Chanter devant 5 000 personnes en live intégral, ça m’a appris une forme de rigueur, moi qui étais un peu bordélique, ne serait-ce que de ne pas arriver sur scène bourré… Et puis ça m’a rendu plutôt humble devant un public qui n’était pas forcément le mien, ça m’a ouvert l’esprit.”

Parmi les trois disques inédits qu’il publie simultanément, à côté d’un album en anglais et d’un autre en français, Patrick Coutin s’est amusé à reprendre quelques chansons qui ont marqué sa vie, de “Light My Fire” à “Osez Joséphine”, en passant par “Like a Rolling Stone” et “La musique que j’aime”. On y retrouve son jeu de guitare à la fluide raucité et sa voix de crooner grave que ne renierait pas un Johnny Cash. Avec, toujours, ce même parfum de liberté qui l’accompagne : “Un jour j’ai compris que ce serait compliqué de faire exactement ce que je voulais tout en ayant de l’intérêt pour une major du disque. Un contrat est souvent pour moi synonyme de souffrance. J’essaie de vivre la musique comme Mallarmé à vécu la poésie. Lui était enseignant, moi j’aurais pu être consul dans une république bananière et continuer à composer. Ce que j’aime, c’est me lever le matin et travailler sur une chanson en cours d’écriture, ça reste un plaisir sans limite.»

Regardez le nouveau clip de Coutin pour le titre «Pas très loin de minuit» :


Toute l’actualité de Patrick Coutin à retrouver surson site officiel. Ecoutez Coutin Paradise.

Paradis Electrique disponible sur toutes les plates-formes.

Patrick Coutin sera en concert le 25 septembre prochain à La Maroquinerie (Paris). Achetez vos places par ici. Plus de dates à venir pour 2022…

Propos recueillis par Philippe Barbot