Un restaurant, une Rolex, et le retour des rumeurs pour 2022

18/08/2022 Par acomputer 637 Vues

Un restaurant, une Rolex, et le retour des rumeurs pour 2022

Il règne une drôle d'ambiance aujourd'hui dans le Paris politique. Comme si la planète avait arrêté de tourner. À six mois de l'élection présidentielle, tous les yeux sont rivés sur elle. Commentateurs, journalistes, politiques... tous reprennent leurs droits de passage télévisuels et médiatiques après le sevrage général de la pandémie. Et les dîners et déjeuners se multiplient. Les rumeurs parisiennes sont reparties de plus belle, comme au bon vieux temps. En février dernier, Jacques Attali avait d'ailleurs publié une note de blog assez détonnante sur la gestion de la pandémie par les gouvernements, pointant l'incohérence (mais l'utilité) de fermer tous les restaurants alors que d'autres lieux publics continuaient alors à être ouverts.

Dans cette sorte de coup de gueule, intitulé « Manger, c'est parler », l'ancien sherpa de François Mitterrand écrivait :« les restaurants ne sont pas uniquement un lieu de consommation alimentaire. Ils sont, avec le repas familial, les lieux principaux de la conversation, et de la transmission. Or, les pouvoirs, dans toutes les sociétés, n'aiment pas que les gens bavardent en mangeant : ils y échangent des informations ; ils y discutent de sujets politiques ; ils y organisent des coalitions ; tout cela hors du contrôle du pouvoir, qui ne sait rien de ce qui s'y dit ; très dangereux pour lui. »

Manifestement, alors que pour la première fois depuis le début de la pandémie, les télés ont subitement arrêté de parler du front sanitaire, les médecins ont enfin laissé la place aux politiques. Il faut dire que les chiffres des nouvelles contaminations sont aujourd'hui relativement stables (malgré quelques clusters ici ou là, et un début de hausse des cas nous souffle-t-on...). Idem, les restaurants parisiens ont repris leur droit. Et « les gens » se seront remis à bavarder, beaucoup. Et les responsables politiques se mettent de nouveau à faire des plans sur la comète, à réfléchir à d'éventuelles alliances pour le second tour, à comploter avec leurs troupes respectives.

Place au centralisme démocratique

Et parfois, la vie reprenant comme auparavant, l'actualité politique percute celle des faits divers. C'est ainsi qu'on a appris que la députée LREM Coralie Dubost s'était fait agresser dans le 7e arrondissement à la sortie d'un restaurant. On apprend dans un premier temps que le compagnon de ladite députée s'est fait dérober sa Rolex et 2000 euros en liquide. Finalement, l'intéressée dément la seconde information et évoque finalement un vol de quelques dizaines d'euros. Face à cette agression scandaleuse, Jean-Louis Gagnaire, un cadre de Territoires de Progrès, le nouveau mouvement de centre-gauche qui soutient Emmanuel Macron à la prochaine présidentielle, fait un tweet dans lequel, tout en dénonçant l'agression, il s'étonne du coté hors sol de sa collègue députée en pointant le fait qu'elle possède une Rolex. Il est vrai qu'en ces temps de disette énergétique pour les Français, et de paiement des impôts, tout signe distinctif de richesse n'est pas forcément le bienvenu. Pour Emmanuel Macron, la petite musique du « candidat des riches » pourrait réapparaitre très rapidement.

Certes, le tweet de Jean-Louis Gagnaire était maladroit, mais la réaction du coté de la direction de Territoires de Progrès interroge également. Quelques heures après avait lieu en effet une « visio » (comme quoi, tout n'a pas changé, le nouveau monde de la pandémie laisse visiblement encore des traces dans nos différentes communautés...) rassemblant les délégués départementaux et régionaux du mouvement (ils étaient 66 à être connectés), avec deux haut cadres de « TDP », Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des Comptes publics, et nommé président du mouvement il y a quelques jours, et Xavier Lacovelli, sénateur LREM des Hauts de Seine, et nommé directeur général. Lors de cette « visio », Jean Louis Gagnaire a reçu un savon mémorable, comme s'il avait échoué à devenir le manager de la semaine...

Un restaurant, une Rolex, et le retour des rumeurs pour 2022

Autant dire que le message était clair : à « TDP », on est droit dans ses bottes, ou l'on démissionne ! Un déçu parmi d'autres du macronisme, et revenu des promesses de 2017, lâche son amertume :« Le message est clair : toute parole qui n'est pas dans le rang sera considérée comme dissidente. C'est assez à l'image dont les proches d'Emmanuel Macron conçoivent la démocratie dans les différents mouvements qui sont censés le soutenir à la présidentielle. Vous êtes avec nous, ou contre nous. Manifestement, Emmanuel Macron craint un phénomène de « chapellisation ». Il n'en voulait pas en 2017, il n'en veut toujours pas aujourd'hui ».

Cette réaction est à replacer dans le contexte de « TDP » qui a vu les ministres Dussopt et Wargon remporter la direction il y a quelques jours face à l'ancien socialiste Gilles Savary. Ce dernier défendait clairement une ligne autonome, y compris par rapport au président de la République, tout en le soutenant. Bref, le temps du « nouveau monde » est définitivement enterré, place au centralisme démocratique. Et pourtant cette volonté de contrôle ne suffira pas à assurer la victoire.

Car les bruits de la ville enflent depuis quelques jours. Les rumeurs également. Autant, en septembre, les jeux étaient faits pour la plupart des commentateurs : Macron était forcément le futur gagnant. Aujourd'hui, changement d'ambiance : et si, après « Monsieur Z », une autre surprise n'allait pas survenir ? Un peu comme en 2017. Les médias, en tout cas, échaudé par Z et M, essayent par tous les moyens de se trouver leurs nouvelles vedettes. Ils se ruent alors sur toutes les petites histoires croustillantes. M, le magazine du Monde, va ainsi sortir un article sur les bisbilles entre les jeunes lions de la macronie. Au programme : Beaune, Lecornu, et Séjourné, qui se tirent dans les pattes pour s'assurer la meilleure place pour la future campagne, comme nous le soulignions lors de notre précédente chronique.

Le retour de Hollande, Sarkozy et Philippe ?

Mais, surtout, à chaque déclaration des uns et des autres, les spéculations vont bon train. Cette semaine, c'est au tour de François Hollande de surprendre son monde en sortant un nouveau livre, intitulé « Affronter » (Stock, 20,90 euros), dans lequel il règle notamment ses comptes avec les uns et les autres. Les lignes que l'ancien président consacre à son ancien collaborateur sont particulièrement aiguisées, également sous forme d'auto-critique : « Contrairement à ce que beaucoup imaginent, en répétant des formules convenues et excessives, Emmanuel Macron n'est pas le représentant servile de la classe sociale dominante ou le porte-parole zélé du grand patronat (...) Il est bien davantage le porte-étendard d'une technostructure souvent ignorante de la vie réelle des Français et qui entonne depuis des années, de commissions d'études en rapports d'experts, les mêmes refrains sur les archaïsmes de notre pays, qui prône sans relâche l'alignement sur les performances supposées de nos voisins. Cette technostructure peuple à la fois la haute administration et l'encadrement supérieur des grandes entreprises. Confiant dans la qualité de la fonction publique française, j'avais moi même fait appel, pour la composition des cabinets ministériels, à des compétences reconnues. Mais en dépit de leur savoir faire, ces élites souscrivent toutes, peu ou prou, aux mêmes principes de gestion ».

Ces quelques lignes pointent effectivement un des maux français par excellence : l'emprise de cette caste de quelques très hauts fonctionnaires, y compris sur le capitalisme. Mais, on le voit, l'autre travers du « nouveau monde », est cet enfantillage constant, mêlé d'un néo stalinisme.

Coté rumeurs, on en aura pour notre argent : les uns pariant sur le retour d'Hollande (qui se permet de donner quelques conseils à cette chère Anne Hidalgo), les autres sur une arrivée surprise de Sarkozy (remonté comme un coucou suite à ses différents épisodes judiciaires), « en février », nous dit-on dans le jeu présidentiel, pour les autres encore, Philippe n'a pas renoncé... Comme un air de déjà-vu. À Paris, le temps politique a bien repris ses droits. Pas sûr que les Français s'y retrouvent.

Marc Endeweld

7 mn

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