La Chine devient le 1er consommateur mondial d’énergie – pour combien de temps ?

09/09/2022 Par acomputer 584 Vues

La Chine devient le 1er consommateur mondial d’énergie – pour combien de temps ?

‘Peak Coal’ – ‘Peak Oil’ : la prise du homard ? La Chine devient le 1er consommateur mondial d’énergie – pour combien de temps ? La Chine devient le 1er consommateur mondial d’énergie – pour combien de temps ?

La Chine vient de supplanter les Etats-Unis à la tête des plus gros consommateurs mondiaux d’énergie, révèle le rapport statistique annuel de BP [pdf].

La consommation énergétique mondiale, tirée avant tout par les pays émergents (Chine, Inde, Brésil, etc.), a cru de 5,6 % l’an dernier. Il s’agit du rythme de croissance le plus rapide depuis le choc pétrolier de 1973, précise le groupe pétrolier britannique.

La Chine extrait et absorbe presque la moitié de la production mondiale de charbon ! Le charbon fournit les trois-quarts de l’électricité chinoise. [NYT]

[Rappel : l’humanité a battu en 2010 un nouveau record d’émission de gaz carbonique, avec 30,6 gigatonnes relâchées dans l’atmosphère, a annoncé l’Agence internationale de l’énergie la semaine dernière.]

La Chine serait promise au premier rang de l’économie mondiale d’ici à 2030, compte tenu de la croissance présente de son Produit intérieur brut.

Seulement voilà : l’arbre de l’économie chinoise saura-t-il monter jusqu’au ciel, si ses racines, les mines de charbon, se révèlent incapables d’accroître leurs extractions dans les années à venir – une éventualité que Pékin paraît prendre très au sérieux ?

Avant de proposer quelques éléments de réponse à cette question du charbon et de l’explosive machine économique chinoise (mon esprit a renoncé à aller droit ces jours-ci), je voudrais connecter entre eux plusieurs points qui l’avoisinent (– cette question).

Bref, mettons un peu tout ça en contexte.

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) presse depuis un mois les pays pétroliers de l’Opep d’augmenter leurs productions d’or noir. (Dans le même temps, l’AIE implore les pays riches de sortir vite, vite du pétrole,… passons). La hausse de la production de brut réclamée à l’Opep vise d’une part à répondre à l’interruption des exportations libyennes, et d’autre part (c’est-à-dire, avant tout) à faire face à la hausse rapide de la demande de brut.

En 2010, la consommation mondiale de pétrole a largement franchi son niveau de 2008, l’année du krach banc(al)aire : elle a dépassé pour la première fois 87 millions de barils par jour, selon BP.

La Chine devient le 1er consommateur mondial d’énergie – pour combien de temps ?

La hausse de la production de brut demandée à l’Opep, si elle advient, sera nécessairement limitée, et elle a très peu de chances d’assagir les cours du brut, analyse le New York Times. En cause, à nouveau : l’inextinguible soif d’énergie de la Chine. La consommation chinoise de pétrole est maintenant la deuxième après celle des Etats-Unis, et c’est elle qui a crû le plus vite en 2010.

[Accessoirement, si l’on ose dire, cette soif n’a pas la moindre chance d’être apaisée par l’invasion de plusieurs zones pétrolifères censées revenir au futur état indépendant du Sud-Soudan par les troupes du Nord-Soudan ; même si la Chine est l’un des rares alliés (officieux) du Nord-Soudan, pays producteur africain d’importance moyenne, où les pétroliers chinois ont avancé leurs pions durant la dernière décennie.]

Continuons à connecter des points. Mon post précédent faisait état de l’analyse de l’un des fonds d’investissement les plus réputés de la planète, GMO, d’après laquelle « l’ère des ressources abondantes » est « finie pour toujours ».

Voire.

L’appétit croissant de la Chine pour les terres fertiles du Brésil préoccupe de plus en plus le gouvernement brésilien, qui, simultanément, fait face à une spectaculaire recrudescence des déboisements sauvages en Amazonie et dans le Mato Grosso.

En Inde, les conflits entre industriels et paysans pour l’accès aux meilleures terres n’ont cessé de s’aggraver depuis qu’en 2008, le groupe Tata Motors a abandonné son projet initial d’usine de fabrication de la Nano, une petite automobile destinée à la nouvelle petite (et néanmoins immense) classe moyenne indienne.

En Chine, pour finir, les autorités viennent de reconnaître l’évidence : le barrage hydroélectrique géant des Trois-Gorges, complètement opérationnel depuis 2009, est face à des « problèmes urgents », à la fois géologiques, écologiques et humains.

Le New York Times a choisi cette semaine de mettre en avant une tribune soulignant l’impossibilité physique, économique, écologique, matérielle, substantielle (etc.) de voir s’étendre à la population de la Chine ou de l’Inde le ‘rêve américain’ commercialisé tout autour du globe.

Surpopulation + Misère, on voit ce que ça donne. Il est possible que Surpopulation + Enrichissement fasse un cocktail plus explosif encore.

Et puis, donc, il y a le charbon.

Depuis plusieurs semaines, de grandes compagnies électriques chinoises font délibérément tourner au ralenti les turbines de leurs usines au charbon, lesquelles fournissent 73 % de l’électricité du pays. Ces groupes industriels, publics pour la plupart, entendent protester contre le pouvoir central de Pékin, qui ne les autorise pas à répercuter sur leurs factures la flambée actuelle des cours du minerais noir. Elles assument de provoquer de vastes black-out un peu partout, peut-être les pires auxquels la Chine ait jamais eu à faire face.

La Chine, qui consume à présent trois fois plus de charbon que les Etats-Unis (mais qui dispose de moins de la moitié du montant des réserves d’Uncle Sam), pourrait assister bientôt à une stagnation de ses extractions,voire à un déclin, prévenait en novembre le Wall Street Journal.

Pékin envisage de limiter sa production de charbon jusqu’en 2015, afin d’épargner ses réserves de minerais, notait alors le quotidien financier.

Embêtantes perspectives, notamment parce que la consommation chinoise d’électricité dépasse désormais celle des Etats-Unis.

En 2010, la Chine a fourni et absorbé plus de 48 % de la production mondiale de charbon, et sa consommation a augmenté de 10,1 % !

Tout cela pourrait expliquer l’intransigeance du pouvoir central chinois vis-à-vis des compagnies électriques. Un ‘signal prix’ très fort à la mode du capitalisme planifié chinois, incitant à se détourner du charbon ?

La Chine a quelque raisons de redouter une flambée future encore pire sur SA matière première vitale.

Le problème pourrait ne pas concerner que la Chine.

Le pic mondial absolu de l’énergie fournie par le charbon pourrait être atteint dès 2011, d’après une étude de l’université du Texas, dont le magazine National Geographic rendait compte en septembre. Dans une tribune [pdf] publiée en novembre par la revue Nature, Richard Heinberg et David Fridley, du PostCarbon Institute, prétendent que l’ère du charbon abondant et pas cher touche à sa fin, elle aussi. Un diagnostic qui ne fait évidemment pas l’unanimité.

Le monde est de plus en plus avide de coke, de lignite et d’anthracite.

Le charbon, et non les renouvelables, est de loin la source d’énergie qui s’est le plus développée au cours de la dernière décennie, d’après l’AIE [pdf]. Le charbon, pas les renouvelables, semble être aujourd’hui la première énergie de substitution au pétrole, concluent les auteurs de ‘Energy Source‘, blog remarquable du Financial Times.

Si l’économie mondiale devait simultanément faire face au ‘peak coal’ (pic absolu de la production d’énergie issue du charbon) ET au ‘peak oil’ (pic pétrolier), ce serait probablement une bonne nouvelle pour le climat. Mais les bonnes nouvelles s’arrêteraient peut-être là.

« C’est comment qu’on freine ? », demandais-je sur ce blog il y a quelques mois.

Dans sa conférence sur l’essence de la technique publiée en 1955, le philosophe allemand Martin Heidegger citait Hölderlin :

« Là où croit le péril, croît aussi ce qui sauve. »

Souhaitons que le poète ait dit vrai.