Line Renaud : « J’ai passé ma vie à dire “Pourquoi pas ?” »
Pour lancer le Sidaction 2021, France 2 diffuse, samedi 27 mars, une émission intitulée « Merci Line », en hommage à l’engagement de Line Renaud dans la lutte contre le sida depuis trente-cinq ans. La chanteuse et actrice a été l’une des premières, dans le monde du spectacle, à se mobiliser pour aider les chercheurs et manifester compassion et solidarité envers les malades. L’occasion de rencontrer cette artiste à la carrière internationale, âgée de 92 ans, et remonter avec elle le cours de ses souvenirs.
Je ne serais pas arrivée là si…
Si je n’avais pas rencontré un jour Loulou Gasté, ce magicien qui fut l’homme de ma vie. J’avais 17 ans, il en avait 37, et nous avons vécu ensemble pendant cinquante ans. En réalité, l’histoire avait commencé bien avant puisqu’il était l’idole de mon enfance. Et elle se poursuit aujourd’hui, vingt-six ans après sa mort, car il continue de me guider au quotidien. Je l’interroge sans cesse : « Que ferais-tu donc, Loulou ? Quelle décision prendrais-tu à ma place ? » Et je guette les signes : un arc-en-ciel, une hirondelle, le chiffre 8, une expression qui nous était familière… Il y avait tant de complicité entre nous qu’il me suffit d’être attentive. Cela me donne de la force. Et cela ne me laisse aucun doute sur le fait que je le retrouverai un jour. Comme je retrouverai ma mère, ma grand-mère, mon arrière-grand-mère.
Ces trois femmes qui ont été si déterminantes dans votre enfance dans le Nord ?
Ces femmes qui m’ont élevée. Pauvres, dignes, courageuses. Avec une noblesse et une élégance naturelles qui, je vous l’assure, forçaient le respect. Ma préférée était Mémère, cette arrière-grand-mère dont je partageais le lit, petite fille, et à qui je demandais chaque soir, dans le secret de notre chambre, de me raconter sa vie. « Mais tu la connais par cœur ! », protestait-elle. « S’il te plaît, raconte encore ! »
Et mon imaginaire s’imprégnait de cette vie douloureuse commencée en 1867 et marquée par la mort de sa propre mère, le remariage de son père avec une veuve qui avait sept enfants, les coups et la maltraitance de la marâtre qui ne lui donnait à manger que les restes ; le travail à la filature, à 7 ans, où son petit corps se faufilait sous le métier à tisser pour renouer les fils cassés ; et puis la tenue d’un estaminet avec un mari ivrogne qui la battait souvent.
Ensuite il y avait Grand-Mère, qui avait subi la honte d’être fille-mère à 17 ans, et avait dû attendre le retour de service militaire du père, en 1906, pour enfin se marier et effacer « la faute ». Ce conducteur de tramway à Armentières était d’une jalousie féroce et ne supportait pas l’idée que sa femme soit exposée dans le café familial aux regards d’autres hommes. Alors le soir, il la tabassait. Il a fallu qu’elle quitte le café et s’installe comme couturière dans un coron voisin pour qu’il lui fiche la paix.
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