Mitt Romney en cinq temps | La Presse

19/10/2022 Par acomputer 473 Vues

Mitt Romney en cinq temps | La Presse

«Ce type deviendra président des États-Unis un jour.» Plus d'un partenaire du cabinet-conseil en stratégie Bain&Company ont fait cette remarque lorsqu'ils ont rencontré le jeune Mitt Romney, fils de l'ancien gouverneur du Michigan, diplômé de Harvard en droit et en gestion des affaires. Leur prédiction pourrait bien se concrétiser le 6 novembre, date du scrutin présidentiel américain. Pour le candidat républicain, une victoire sur Barack Obama représenterait, à 65 ans, l'aboutissement d'une vie façonnée par la religion, les affaires et la politique. Voici cinq des étapes les plus importantes de son parcours.Mitt Romney en cinq temps | La Presse Mitt Romney en cinq temps | La Presse

Mis à jour le 29 oct. 2012
Richard Hétu et Isabelle HacheyLA PRESSE

1968 - Un flirt avec la mort en France

Mitt Romney est au volant d'une Citroën DS 21, un jour de juin 1968. Parti de Paris, il conduit à Pau le président de la mission française de l'Église mormone, dont il est le nouvel assistant, la femme de ce dernier et un autre missionnaire.

Dans le village de Bernos-Beaulac, près de Bordeaux, une Mercedes conduite par un prêtre catholique sous l'effet de l'alcool rate un virage et heurte de plein fouet la DS. «Il est mort», écrit un gendarme dans le passeport de Mitt Romney à la vue de son corps inanimé.

En réalité, le jeune Américain a perdu connaissance. Il s'en tirera avec un bras cassé et des contusions au visage. Leola Anderson, la femme du président de la mission, n'a pas cette chance: elle perd la vie dans l'accident.

Une fois remis de ses blessures, Mitt Romney remplace Duane Anderson à la tête de la mission mormone de Paris durant sept semaines. Âgé de 21 ans, il est en France depuis 24 mois pour la mission de prosélytisme que les jeunes mormons doivent mener à l'étranger ou dans une paroisse autre que la leur.

Responsable de 200 missionnaires, Mitt Romney parvient non seulement à remonter le moral du groupe mais également à augmenter le nombre de conversions en France. Au cours de cette période, il ne donne jamais l'impression d'être traumatisé par son flirt avec la mort ou taraudé par un sentiment de culpabilité à la suite de la mort de Leola Anderson.

Mais l'accident de voiture le marque néanmoins profondément, s'il faut se fier à l'une de ses très rares confidences sur le sujet: «Cela m'a fait comprendre de façon douloureuse que la vie est fragile, que nous sommes ici seulement pour une courte période et que nous devrions en profiter pour accomplir des choses importantes et non frivoles.»

1984 - Naissance d'un entrepreneur

«J'ai quitté un emploi sûr avec quelques amis pour lancer uneentreprise. C'était mon rêve d'essayer de bâtir une entreprise à partirde rien. Nous avons commencé dans un petit bureau.»

Mitt Romney en cinq temps | La Presse

Lorsqu'il a posé sa candidature à l'investiture républicaine pourl'élection présidentielle de 2012, Mitt Romney a décrit en ces termes lanaissance, en 1984, du fonds d'investissement Bain Capital, dont il adirigé les activités jusqu'en 1999 et qui lui a permis d'amasser unefortune d'environ 250 millions de dollars.

La réalité est cependant moins flatteuse pour le candidatrépublicain, si l'on se fie à Michael Kranish et Scott Helman, auteursd'une biographie intitulée The Real Romney. Selon le récit de ces journalistes réputés du Boston Globe,Mitt Romney a d'abord refusé la proposition de Bill Bain, patronlégendaire du cabinet-conseil en stratégie Bain&Company, de démarrerun fonds d'investissement avec son aide. Vedette de Bain&Companydepuis 1977 et père de cinq jeunes enfants, Mitt Romney ne voulait pascompromettre son avenir en se lançant dans une affaire dont l'échecnuirait à ses finances et à sa réputation.

Selon les auteurs de The Real Romney, Bill Bain a rassuré sonprotégé en lui disant qu'il le reprendrait à Bain&Company, en casd'échec chez Bain Capital, et qu'il inventerait une histoire avantageusepour expliquer son retour au bercail.

Un tel subterfuge n'a évidemment pas été nécessaire. Mitt Romney aconnu le succès à la tête de Bain Capital en rachetant et en revendantdes entreprises. Staples et Domino's Pizza font partie des plus grandesréussites de l'homme d'affaires. Mais la «méthode Bain» lui a égalementpermis d'amasser des millions de dollars grâce à des entreprises qui ontdû licencier des employés ou fermer leurs portes.

«La pilule est parfois dure à avaler, mais nécessaire pour sauver lavie du patient», s'est défendu Mitt Romney lors d'une interview en 2007.

2002 - Le sauvetage des Jeux olympiques

Quand Mitt Romney a qualifié de «déconcertante» la préparation des Jeux olympiques de Londres, en juillet, le premier ministre britannique a répliqué: «Bien sûr, c'est plus facile de tenir des Jeux au milieu de nulle part.»

David Cameron faisait allusion à Salt Lake City. Vrai, la capitale de l'Utah n'est sans doute pas aussi animée que celle du Royaume-Uni. Il reste que les Jeux d'hiver 2002 ont propulsé la carrière politique de Mitt Romney. Et, quoi qu'en dise David Cameron, l'organisation des JO de Salt Lake City a été loin d'être facile.

Lorsque Mitt Romney a accepté d'en prendre les rênes, trois ans plus tôt, le Comité organisateur des Jeux baignait en plein scandale. Ses dirigeants étaient accusés de mauvaise gestion et, surtout, d'avoir acheté le vote de membres du Comité international olympique en les enterrant sous les cadeaux.

Mitt Romney est arrivé en sauveur. Fort de son expérience en gestion chez Bain Capital, il a mis de l'ordre dans un budget de 1,32 milliard. Il a effacé le déficit. Mieux: l'événement s'est terminé avec unsurplusde 100 millions.

Bien que ses détracteurs l'accusent d'avoir battu tous les records en siphonnant des centaines de millions en fonds fédéraux, il esttoujoursconsidéré comme le «chevalier blanc» qui a remis les Jeux deSalt Lakesur les rails. Mitt Romney a non seulement prouvé qu'il étaitun habilegestionnaire; il a aussi montré ses capacités de politicien,en apaisantla controverse au sujet de l'influence de l'Église mormonesur lesJeux. Discrètement, il a convaincu les leaders mormons, trèspuissants àSalt Lake City, de jouer un rôle effacé. Lors de lacérémonie declôture, Mitt Romney a déclaré qu'il ne pouvait imaginervivre encoreune fois une telle expérience. Pourtant, il avait déjà unnouvelobjectif. «Il était évident qu'il avait des visées plus largesque lesJeux olympiques», a confié plus tard le président du Comité organisateur, Robert Garff. De fait, Mitt Romney a lancé sa campagne pour le poste de gouverneur du Massachusetts quelques semaines après les Jeux.

2006 - «RomneyCare»: la réforme d'un gouverneur

Ce fut sa principale réalisation en tant que gouverneur duMassachusetts. La loi sur la réforme de la santé, première du genre auxÉtats-Unis, fournit un accès pratiquement universel aux soins médicauxgrâce à des subventions gouvernementales - et à l'obligation, pourles contribuables de cet État, d'acheter leur propre couvertured'assurance maladie.

Quand le gouverneur Romney a signé son audacieuse réforme, le 12avril 2006, il ne se doutait pas que, six ans plus tard, il traîneraitle «RomneyCare» comme un boulet en campagne présidentielle.

C'est que la loi du Massachusetts ressemble à s'y méprendre àl'«ObamaCare», réforme honnie - et cible obligée - pour tout républicainqui se respecte.

Du coup, Mitt Romney, qui affirmait autrefois que sa loi était unmodèle pour une réforme nationale, s'est fait plus discret et asoigneusement évité la question durant les primaires républicaines.

Les démocrates ont évidemment beau jeu de souligner que le candidatRomney promet l'élimination d'une réforme nationale de la santé...largement inspirée de la sienne!

Ce n'est qu'au mois d'août que Mitt Romney a commencé à parler duRomneyCare dans les médias. «Je suis très fier de ce que nous avonsfait, et du fait que nous avons aidé les femmes, les hommes et lesenfants dans notre État», a-t-il déclaré sur les ondes de Fox News.

Sa porte-parole Andrea Saul est allée plus loin, en réponse à unepublicité démocrate qui accusait Mitt Romney d'avoir causé la mort de lafemme d'un employé d'une usine fermée par sa société d'investissements,Bain Capital. La femme n'avait pas les moyens de payer les traitementscontre son cancer. «Si ces gens avaient vécu au Massachusetts, sous leplan du gouverneur Romney, ils auraient eu accès à des soins de santé, adit Mme Saul sur Fox News. Beaucoup de gens perdent leur emploi et leuraccès aux soins dans l'économie du président Obama.»

2012- La métamorphose d'un mal-aimé

Les sondages de 2011 ne laissaient rien présager de bon pour Mitt Romney. Il était favori dans la course à l'investiture républicaine, mais l'ancien gouverneur du Massachusetts finissait souvent deuxième ou même troisième derrière des candidats plus ou moins crédibles, tels Herman Cain, Rick Perry et Michele Bachmann, entre autres.

Mitt Romney n'a pas eu la vie plus facile au cours des premiers mois de 2012. Devant des rivaux aussi peu présidentiables que NewtGingrichet Rick Santorum, il a dû sortir l'artillerie lourde pours'imposerauprès des militants du Parti républicain, dont plusieursn'étaient pasconvaincus de sa conversion à leur conservatisme pur etdur.

L'image de Mitt Romney a souffert de ce combat fratricide, qui a pris fin le 30 mai lorsque le candidat mormon a scellé son investituregrâceà une éclatante victoire à la primaire républicaine du Texas.Selon lessondages, les Américains avaient en majorité une opinionnégative à sonsujet.

La diffusion d'une vidéo secrète où Mitt Romney tient des propos méprisants sur 47% des électeurs américains n'a rien fait pour améliorer son problème d'image. Les démocrates l'ont exploité à coups de publicités où ils le décrivent comme un ploutocrate qui a fait fortune en exportant des emplois en Chine et en multipliant les placements à l'étranger.

Mais il a fallu à Mitt Romney un seul débat présidentiel - le premier - pour transformer cette image. En adoptant un discours plus modéré et en défendant ses idées avec fermeté, il a séduit plusieurs électeurs indécis ou indépendants et rassuré les républicains. Trois semaines plus tard, plusieurs sondages ont révélé que les Américains lui étaient désormais favorables en majorité.

Pour parachever sa métamorphose, Mitt Romney devra évidemment se faire élire à la Maison-Blanche. Mais, pour un politicien mal-aimé au début de 2012, ce qu'il a déjà accompli est remarquable.