Les blessures vives de nos vétérans ravivées par le retour des talibans | TVA Nouvelles
Trois mois après le retour des talibans à la tête de l’Afghanistan, les militaires canadiens qui y ont combattu voient leur choc post-traumatique ravivé, moussé par la perte de sens qu’ils avaient donné à leur mission, plus de 10 ans après avoir quitté le pays.
La chute de Kaboul le 15 août dernier a causé toute une commotion chez les militaires qui ont servi en Afghanistan. Appelés à réagir, ils ont presque unanimement affiché leur tristesse pour le peuple afghan laissé à lui-même, doublée du sentiment d’avoir tant donné pour rien.
Quelques semaines plus tard, alors que le débat sur l’utilité de cette coûteuse mission reste entier, une chose semble claire: les images des insurgés à la tête du pays ont ravivé le trouble de stress post-traumatique qui hante de nombreux vétérans avec qui Le Journal s’est entretenu.
Choc brutal
Pour certains vétérans, comme l’infirmière Annie Tétreault, le choc a été brutal. «J’ai cassé», laisse tomber celle qui était en camping en pleine canicule, une température qui rappelait d’ailleurs le climat afghan.
Pour beaucoup de militaires, comme la capitaine Hélène LeScelleur, le retour des talibans s’est traduit par des épisodes de cauchemars et des pensées très négatives.
La médiatisation des événements amplifiée par les discussions sur les médias sociaux «taxait de plus en plus» la militaire, qui a eu besoin d’un «pas de recul» dans les semaines suivantes.
How to stop thinking about sex 24/7
— Loading... Thu Jul 15 02:33:11 +0000 2021
D’autres militaires qui ont pratiqué l’évitement thérapeutique en se coupant de l’information provenant d’Afghanistan ont subi le choc plus tard, frappés par la réalité alors qu’ils croyaient avoir fait le vide.
«C’était une grosse boule de confusion», avoue Alain Guimond qui a fait trois missions et passé un an et demi en Afghanistan.
Il est également difficile de faire table rase du drame des Afghans quand des gens se battent pour leur vie sur place. Annie Tétreault tentait tant bien que mal d’aider «Tony», un interprète afghan qui a essayé à trois reprises de se rendre à l’aéroport pour quitter le pays.
«Ils l’ont arrêté chaque fois, il s’est fait battre, il n’a juste pas été capable de traverser la limite de l’aéroport pour embarquer dans un avion», explique la dame.
Perte de sens
Les psychologues sont sans équivoque, la prise de Kaboul a réveillé les blessures psychologiques des militaires déjà éprouvés par des mois de combats intenses et répétés.
«Pour pouvoir assimiler un événement traumatique, il faut être capable de lui donner un sens», explique la psychologue Marie-¬Andrée Lavoie, de la clinique de la Bravoure.
Le retour des talibans a cependant éliminé tout le sens qu’ils donnaient à leur mission. Plus encore, ils se heurtaient aux images des insurgés sur les lieux qu’ils avaient conquis.
C’est exactement le sentiment de l’artilleur Alex Émery.
Et les mécanismes de défense ou couches de protection «ne fondent pas au même rythme», ajoute le Dr Paul Simard.
Estimant que le tort psychologique causé par l’échec en Afghanistan aura des effets à plus long terme, on parle alors d’un trouble du stress post-traumatique différé.