Chronique : Stephan Janson, le dernier couturier bleu blanc rouge de Milan

13/01/2023 Par acomputer 549 Vues

Chronique : Stephan Janson, le dernier couturier bleu blanc rouge de Milan

Instagram content

This content can also be viewed on the site it originates from.

Arrêt Spontini

Avant de débarquer à Milan, Stephan Janson vécut une première vie sous le signe d’YSL. La robe Mondrian en couverture de Vogue ? « Un choc. J’avais huit ans, je vivais à Valréas dans le Vaucluse, et j’ai demandé à ma mère et à ma grand-mère mais pourquoi vous ne vous habillez pas comme ça ? » Grand-mère Bérénice, qui tient alors la première boutique de jean’s jamais ouverte après-guerre dans la région, lui offre une machine-à-coudre pour Noël. Ado, Stephan Janson est envoyé à Paris chez sa mère, remariée à un monsieur généreux et aussi très ami avec Zizi Jeanmaire, habillée YSL à la ville comme à la scène. « J’allais la voir tous les dimanches après-midi au music-hall. Intriguée, elle m’a invitée dans sa loge, pensant que je voulais devenir chanteur ou danseur.

- Non, je veux être couturier !

Chronique : Stephan Janson, le dernier couturier bleu blanc rouge de Milan

-Viens donc mercredi soir, tu rencontreras Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé ! »

Stephan Janson, 14 ans. Billy Elliott de la couture. « On habitait rue de la Faisanderie dans le XVIème. À deux pas de la rue Spontini. Chaque jour après le lycée, je faisais un crochet. Voilà comment nous sommes devenus amis. » Entre ado et adulte, Janson étoffe son vestiaire YSL pour homme : aux tenues « officielles » payées par beau-papa, s’ajoutent les pièces inouïes restées invendues à la boutique et cédées à vil prix.

Nous retrouvons ensuite Stephan Janson à Saint-Tropez, 16 ans, sa machine-à-coudre sous le coude et sur la plage, cousant des boxer-shorts dans les poches en coton d’emballages de sacs Louis Vuitton et, avec les chutes, taillant des strings. Succès fou. Pour apprendre, il bossera bientôt chez Kenzo. « J’ai dépensé mon premier salaire dans un pull en cachemire jaune de chez Adnan, avenue Victor-Hugo. » Bac mention très bien en poche, il veut rejoindre les bancs du fameux Studio Berçot où l’on enseigne la mode. Yves Saint Laurent lui impose Saint-Roch, alors école de cousettes figée dans les années 1950. « On y imposait des projets du genre garde-robe pour un week-end à Deauville en bleu-blanc-rouge. » Avec mes pantalons à pont et mes ventres nus, le verdict fut cassant : vous ne ferez jamais rien ! »

Le luxe pour les bonnes

En 1980, il file à New York dessiner les collections de la créatrice Diane von Fürstenberg. Puis, quelques années plus tard, ce sera Milan. Janson est le seul créateur français à s’y installer. « L’époque était au duel Armani contre Versace. Dolce & Gabbana étaient débutants. » Les journalistes de mode le pressent de présenter son plan de carrière. Il leurs répond qu’il veut simplement être heureux en continuant à imaginer des vêtements. Un OVNI. Janson se forge une image d’iconoclaste en défilant en des lieux atypiques comme cette église déconsacrée du Corso Italia, le métro ou encore la maison d’enchères Il Ponte, éclairée à la bougie. S’il ne défile plus depuis vingt ans, Janson reste gravé dans la mémoire de la mode milanaise pour un fameux défilé où ses modèles étaient portés par les « colfs » (domestiques, bonnes, femmes de ménage) de ses clientes nanties. « Un maire d’extrême-droite raciste venait d’être élu à Milan. Une amie sénégalaise s’est chargée du casting. Que des femmes noires. Ce fut mon plus beau défilé ! Deux clientes exultaient: leurs guardarobiere étaient du défilé ! Quant à la musique, des marches turques, tout le monde a cru que c’était africain ! »