Fashion week homme hiver 2023 : ce qu'il faut retenir

02/03/2023 Par acomputer 395 Vues

Fashion week homme hiver 2023 : ce qu'il faut retenir

Il est toujours intéressant de constater combien l'être humain a la capacité de s'adapter, vite et bien à toutes les situations. Il y a un an, les fashion weeks Homme pour les collections automne-hiver 2021-22 étaient en grande partie « digitales » et le milieu s'inquiétait de cette situation inédite, attendant fébrilement un retour à la normale après quasiment un an de pandémie. Désormais rompue à l'exercice du on-off, à la gestion des nouveaux variants et au protocole sanitaire, la mode a cessé d'attendre et a méthodiquement changé ses usages.Fashion week homme hiver 2023 : ce qu'il faut retenir Fashion week homme hiver 2023 : ce qu'il faut retenir

Si face à la déferlante Omicron, la plupart des maisons - à Milan comme à Paris - ont fait cette saison encore, le choix d'une présentation digitale quand l'un décidait simplement d'annuler - Giorgio Armani -, d'autres ont maintenu leurs shows, devant un parterre réduit. Chacun trouvant la solution adéquate et le discours idoine. Les collections ont débuté sur l'annonce du décès de Nino Cerruti, un modèle d'élégance, d'être et de paraître , l'homme qui, le premier, proposa une mode masculine détendue, débarrassée des stricts codes du costume-cravate. Et elles s'achevèrent sur celui de Thierry Mugler, devenu Manfred T. Mugler, génie des volumes et de l'extravagance.

L'art du tailleur, le volume du streetwear

Dans l'ensemble, la saison Homme automne-hiver 2022-23 ne révèle rien de totalement inédit mais propose une mode juste qui joue sur une large palette de couleurs, valorise les fondamentaux de l'art du tailleur et assimile les volumes du streetwear. À Paris, le défilé posthume de Virgil Abloh pour Louis Vuitton fut constellé d'hommages discrets et pudiques au jeune créateur décédé des suites d'un cancer le 28 novembre 2021.

Oscillant entre tailoring et sportswear, monochrome et imprimés, la collection reprenait les grands thèmes du designer. Tout comme celle de Miuccia Prada et Raf Simons pour Prada, qui jouait le jeu des hyper-volumes, entre grands classiques du vestiaire masculin, pièces aux accents industriels et mannequins-acteurs vedettes des années 1990. Ou encore celle de Sarah-Linh Tran et Christophe Lemaire pour Lemaire, avec la palette, les matières et les volumes qui font le succès de leurs si « beaux vêtements ».

Kim Jones chez Dior Men a cette saison excellé, proposant dans un Paris hivernal une déambulation de silhouettes vêtues d'un pantalon de jogging en cachemire porté avec une veste Bar réinterprétée pour l'homme et une paire de sabots Dior x Birkenstock - la collab' de l'année.

JW Anderson chez Loewe poursuit la réflexion commencée lors de sa dernière collection femme autour de l'idée de réalité et d'une vision poétique du monde. Sa présentation joue avec des LED, des effets trompe-l'oeil et propose une certaine idée du sexy. Le jeune créateur Louis-Gabriel Nouchi explore lui aussi l'esthétique du corps masculin et déploie une mode sensuelle, contrastée, qui au détour d'un look désormais de référence - marcel et slip -, s'offre, pour la joie du public, un moment d'autodérision. B. D.

LES TENDANCES HIVER 2023 PAR CEUX QUI LES FONT

Des classiques revisités

Revoir les essentiels du dressing masculin toujours et encore, afin de les inscrire dans l'époque. « La réalité du monde actuel exige une certaine adaptabilité. Traduire cette idée en vêtements signifie construire un langage de formes et de textures qui se développe et se consolide au fil du temps, en s'adaptant aux besoins du moment. La notion d'hybridité est celle que je continue d'explorer, car c'est de l'effacement des catégories figées que naît le progrès », explique Alessandro Sartori, directeur artistique d'Ermenegildo Zegna.

Egalement chez Fendi, Dior, Y/Project, Uniforme, Aldo Maria Camillo, Meta Campania Collective, Pigalle Paris, Courrèges, Wooyoungmi.

Fashion week homme hiver 2023 : ce qu'il faut retenir

Le grand manteau

Cette saison, pléthore de pardessus arrivant sous le genou. « Nous sommes partis d'un manteau noir de notre collection de 1992 que nous avons retravaillé, trente ans plus tard, dans des proportions oversize. C'est une façon de parler à une nouvelle génération de clients qui aiment vraiment la mode, sans nous trahir », indique Stefano Gabbana pour Dolce & Gabbana.

Egalement chez Prada, Issey Miyake Men, Dries Van Noten, Jil Sander, AMI, Yohji Yamamoto, EgonLab, OAMC, Comme des Garçons.

La taille marquée

Après plusieurs saisons sous haute influence du streetwear, retour à des silhouettes plus structurées. « Je me suis replongé dans les archives, dans la pureté des débuts de la maison Dior, dans son élan originel, relève le directeur artistique Kim Jones. Nous nous sommes penchés sur les premières collections et nous nous sommes concentrés sur l'architecture, en utilisant ces éléments et en les transformant presque instinctivement en pièces masculines modernes. »

Egalement chez Dolce & Gabbana, Louis Vuitton, Loewe, Fendi, Acne Studios, JW Anderson, Casablanca, Dries Van Noten.

Les silhouettes monochromes

Du blanc, des teintes givrées et des couleurs d'automne qui s'accordent à la nuance près, d'un vêtement à l'autre de la tête aux pieds. « J'aime cette idée d'un nouvel uniforme, d'ensembles coordonnés veste, pull et pantalon qui remplacent le costume traditionnel. Il s'agit de silhouettes à la fois très maÎtrisées et moins formelles, adaptées au bureau comme à la maison », pointe Pierre Mahéo d'Officine Générale.

Egalement chez Etro, 1017 Alyx 9SM, Lemaire, Ermenegildo Zegna, Paul Smith, Brioni, Brunello Cucinelli, Louis-Gabriel Nouchi.

Imprimés trompe-l'oeil

Des motifs souvent bavards, superposés, déformés ou retravaillés à partir de dessins originaux. « J'avais des souvenirs de cinéma en tête, confie Paul Smith. Des films de Claude Sautet, mais aussi de David Lynch ou de de Wong Kar-Wai. Je me souvenais de quelques scènes, d'affiches ou d'images avec des graphismes forts. Retravaillées avec les outils d'aujourd'hui, elles racontent parfois tout autre chose. »

Egalement chez Louis Vuitton, Y/Project, Bluemarble, Etudes, Loewe, Hermès, KidSuper, Jil Sander, Casablanca, Isabel Marant, Kenzo.

Soft power

Des couleurs et des matières douces, parfois matelassées pour amortir la rudesse de l'époque. « Du haut de mes trente-cinq ans d'expérience, j'ai eu envie de proposer des formes plus légères entremêlées à des références bourgeoises. Bien sûr, il subsiste un zeste de rébellion et d'attitude punk, mais la collection se veut tout de même plus intime, cosy et chaude », témoigne Kean Etro, directeur artistique des collections masculines d'Etro.

Egalement chez Tod's, Prada, Dior, Acne Studios, Loewe, Rhude, Etudes, Rains, Hed Mayner, Rick Owens.

Propos recueillis par A. F. et F. M.-B.

Chez Louis Vuitton, l'adieu à Virgil Abloh

Un ange passe… La musique de l'orchestre classique s'arrête, les mannequins se figent quelques secondes et observent une minute de silence. Avant de reprendre le cours de la présentation de l'ultime collection imaginée par Virgil Abloh, avant son décès le 28 novembre dernier. Quelques silhouettes défilent, dotées d'une structure dorsale, telles les ailes d'un homme-ange qui s'apprête à voler.

Un clin d'oeil au troisième défilé du directeur artistique américain présenté place Dauphine en juin 2019, sur le thème des rêves, du voyage, de l'évasion. On retrouve la même poésie dans cette collection posthume, cousue de références à la grammaire stylistique et intime de Virgil Abloh : habits tailleur et streetwear, codes classiques du malletier français et pop culture, expressions artistiques d'hier et d'aujourd'hui. Toute l'équipe de Virgil Abloh viendra saluer le public… un moment d'émotion, gracieux et pudique.

F. M.-B.

GROS PLAN SUR…

… le match Rains/K-way

Toutes deux ont fondé leur renommée et leur business sur des vestes de pluie imperméables. K-way, marque unisexe créée en 1965 par Léon-Claude Duhamel, a marqué plusieurs générations d'enfants et d'adolescents avec des spécimens colorés et zippés.

Rains, lancée en 2012 au Danemark par Daniel Brix et Philip Lotko, met en avant son design épuré, ses coloris neutres et son approche écoresponsable. Pendant cette fashion week, l'une défilait à Milan pour la seconde fois (K-way), l'autre à Paris (Rains) pour la première. Toutes deux avec le même objectif : marquer un tournant plus mode. A. F.

… le casting cinégénique chez Prada

C'est l'un des castings les plus commentés et instagrammés de la saison. Samedi 15 janvier à Milan, Miuccia Prada et Raf Simons envoyaient sur le podium des acteurs mythiques - Jeff Goldblum (69 ans) et Kyle MacLachlan (62 ans) -, mais aussi des jeunes pousses - tel Ashton Sanders (26 ans), révélation du film multi-oscarisé Moonlight (2016).

Un casting pointu, élégant et cinégénique, qui ne constituait pas une première dans l'histoire de la marque. Adrien Brody, Gary Oldman ou Willem Dafoe ayant défilé par le passé pour la pythie de la mode italienne. A. F.

… Nigo, qui reprend le flambeau chez Kenzo

Depuis le départ à la retraite de Kenzo Takada en 1999, les directeurs artistiques se sont succédé à la tête de la marque « du plus parisien des designers japonais ». Pour la première fois, il s'agit de l'un des compatriotes de Kenzo, Tomoaki Nagao, plus connu dans la mode sous le nom de Nigo.

S'il a été formé au Bunka Fashion College comme la plupart des talents japonais, Nigo a très vite pris la tangente. À la mode, il préfère sortir la nuit, mixer du hip-hop, la street culture… Après sa rencontre avec Jun Takahashi, fondateur du label Undercover, il ouvre la boutique Nowhere à Tokyo, et fait découvrir le streetwear américain aux Japonais. Il lance ensuite la marque A Bathing Ape (également appelée Bape), plébiscitée par les ados, suivie de Billionaire Boys Club et Ice Cream, en tandem avec Pharrell Williams… Pour Kenzo, ce directeur artistique touche-à-tout a dévoilé une première collection mixte, riche et pertinente. Galerie Vivienne, très exactement là où Kenzo ouvrait il y a cinquante-deux ans, sa première boutique. F. M.-B.

… Thierry Mugler, chantre du glamour

Jusqu'au 24 avril au musée des Arts décoratifs à Paris, l'exposition « Thierry Mugler, Couturissime » présente l'univers fascinant du styliste français, décédé dimanche 23 janvier à l'âge de 73 ans . En parcourant cette rétrospective, le visiteur oscille entre le monde de la mode et celui du cabaret. La scène a toujours été l'autre passion de Thierry Mugler, qui, depuis vingt ans, avait délaissé la mode pour mettre en scène des spectacles de cabaret.

Adolescent, ce Strasbourgeois de naissance s'était même rêvé danseur étoile et avait intégré le corps de ballet de l'Opéra du Rhin, avant de s'installer à Paris et de traduire ses envies de paraître en silhouettes féminines remarquables. Carrure très épaulée, taille prise, jambes interminables… la mode de Thierry Mugler a eu sur les tendances des années 1980 une haute influence. Il proposera également des collections masculines aux volumes affirmés et lancera avec Clarins plusieurs parfums best-sellers qui assureront la pérennité de sa marque - Angel, A*Men… Longtemps propriété du groupe Clarins, la maison Mugler a été rachetée par L'Oréal en 2020. Ses collections sont aujourd'hui dessinées par l'Américain Casey Cadwallader. F. M.-B.

HOMMAGES

Double expo pour Giovanni Gastel, l'oeil de la mode

La fashion week de Milan s'est ouverte avec deux expositions hommages à Giovanni Gastel présentées à la Triennale de Milan et respectivement baptisées « The people I like » et « I Gioielli della fantasia » (littéralement « Les joyaux de l'imaginaire »).

Photographe de mode italien décédé à 65 ans des suites du Covid en mars 2021, ce natif de Milan était aussi le neveu de Luchiano Visconti. Moins connu de ce côté-ci des Alpes, Giovanni Gastel s'était illustré dès les années 1970 en collaborant avec de grands magazines de mode (Vogue, Vanity Fair…) ou en signant d'importantes campagnes de publicité (Dior, Versace, Tod's…). A. F.

Nino Cerruti, « une belle personne »

Dès l'annonce du décès de Nino Cerruti à l'âge de 91 ans, les professionnels de la mode ayant travaillé avec lui ont unanimement salué sa grande élégance d'être et de paraître. Il signor Nino, un tisseur de lainages de Biella qui s'était improvisé styliste en 1967 à Paris, et avait ouvert la voie à une décontraction de la silhouette masculine, était un homme visionnaire et charismatique.

Lorsqu'il a ajouté le prêt-à-porter à l'activité de l'entreprise familiale, nombre de businessmen voulaient s'habiller comme ce bel Italien qui portait des vestes souples, déstructurées, taillées dans des lainages modernes et légers, et un pull jaune souvent jeté sur les épaules. Les acteurs - Robert Redford, Harrison Ford, Michael Douglas, Al Pacino, Jack Nicholson, Jean-Paul Belmondo… - aimaient porter ses modèles. Tout comme Sharon Stone ou Julia Roberts, puisque la maison proposait aussi des collections féminines. Avant de lancer sa propre maison au milieu des années 1970, Giorgio Armani fut un moment son bras droit. Les directeurs artistiques Véronique Nichanian (Hermès), Peter Speliopoulos ou Stefano Pilati ont également été à très bonne école à ses côtés.

F. M.-B.