Il détourne 99 kg de cocaïne voués à être détruits : un homme condamné à Rouen

28/04/2022 Par acomputer 586 Vues

Il détourne 99 kg de cocaïne voués à être détruits : un homme condamné à Rouen

Par Mathieu Normand Publié le 76actu Voir mon actu

Un procès assez insolite se tient au tribunal correctionnel de Rouen (Seine-Maritime) lundi 24 janvier 2022. Le prévenu, Anis*, un employé de Veolia âgé de 25 ans, est jugé en comparution immédiate pour transport et détention de stupéfiants, ainsi que pour le détournement de 99 kg de cocaïne.

Le 20 janvier 2022, cette drogue placée sous scellés est acheminée par la police nationale du Havre en vue être détruite dans un incinérateur au Grand-Quevilly. Le prévenu tente d’en subtiliser une partie. « Je ne réalisais pas ce que ça contenait », assure ce dernier à la barre. Son conseil explique ce geste par « un coup de folie ».

« Vous n’aviez pas l’air serein »

Le jour des faits, la cocaïne se trouve dans des sacs opaques de 25 kilos environ, eux-mêmes rangés dans des conteneurs fermés. Ainsi, c’est à peu près une tonne « saisie dans le cadre de plusieurs dossiers » qui s’apprête à être détruite, indique la présidente. Personne n’est prévenu de l’opération en amont, à part l’agent de sécurité et son responsable. Le prévenu a pour rôle cet après-midi là de charger les conteneurs sur « une balancelle », qui monte, puis décharge leur contenu dans l’incinérateur.

Anis travaille en binôme avec un autre employé, chargé quant à lui de récupérer les bacs vides et de les nettoyer. Ce dernier, qui sera plus tard entendu par les policiers, indique à un de ses supérieurs qu’Anis a « un comportement particulier ». En revenant de sa pause déjeuner, « il vous a vu pousser des bacs », indique la présidente au prévenu. Deux responsables se rendent alors au local de l’incinérateur, « disant qu’il y a un problème de drogue ». « Ils tombent sur vous au niveau d’un local et disent que vous n’aviez pas l’air serein », poursuit la présidente. À ce moment, Anis s’absente pour se rendre à l’infirmerie. Il s’est coupé le doigt dans la matinée et saigne.

Les deux responsables poursuivent leurs recherches et finissent par retrouver quatre sacs de 25 kg environ, cachés sous l’escalier menant à l’incinérateur. Il y a du sang sur les sacs. Le prévenu revient 5 minutes plus tard. Il insiste pour les remettre dans les bacs et les détruire. Un des responsables expliquera aux policiers qu’Anis lui dit alors qu’il faut incinérer ces sacs et leur contenu, sinon il est « dans la merde ». Les supérieurs refusent. Anis rentre au domicile de ses parents, où il vit, et est interpellé le lendemain par les policiers.

Il détruit son téléphone

Il détourne 99 kg de cocaïne voués à être détruits : un homme condamné à Rouen

D’après l’enquête, le prévenu aurait profité d’un dispositif policier inhabituel et d’une certaine absence de surveillance pour subtiliser ces quatre sacs. Le prévenu affirme avoir saisi l’opportunité de manière impulsive, par « cupidité ».« Je n’étais pas conscient de ce que je faisais, assure-t-il à la barre. Je ne réalisais pas la quantité et la drogue qu’il y avait dans le bac. »

Lui dit avoir déjà assisté à ce genre de procédure et que le contenu des sacs est aléatoire. « Ça peut contenir tout : des faux billets, des vêtements… Je ne savais pas que c’était de la cocaïne. » Il dit l’avoir découvert une fois au commissariat quand les policiers ont ouvert les sacs devant lui. Le fait qu’il ne sache pas que les sacs contenaient des produits stupéfiants étonne la présidente. Cela apparaît même impossible au substitut du procureur, qui rappelle que les sacs sont étiquetés avec la mention « Stup ».

Encore plus étonnant, la nuit avant son interpellation, Anis écrase son téléphone portable et le jette dans une poubelle devant un bar près de son domicile. La raison : « Il ne fonctionnait plus. » Les policiers n’ont donc pu se baser que sur sa facture téléphonique détaillée, qui ne fait état d’aucun contact ou SMS avec quiconque entre les faits et son interpellation. L’enquête n’a pas pu porter sur les données de connexion du téléphone qui aurait pu révéler « des contacts par WhatsApp ou Snapchat », souligne la présidente.

Anis assure être simplement rentré chez lui « pour réfléchir » et avoir eu « peur des conséquences ». « Je n’ai même pas mangé. Je suis allé dans mon lit. J’ai dormi. Je ne suis pas sorti de chez moi. La police est venue me chercher. » Pour le prévenu, cet acte irréfléchi était « une grosse connerie » qu’il a regrettée dans un court laps de temps, après avoir déplacé les sacs. « Je ne savais même pas comment les sortir. »

En 3,3 et 19,6 millions d’euros de valeur

Le conseil d’Anis plaide qu’il a « agi de façon stupide, irréfléchie et sans aucun but ». L’avocate insiste sur le fait qu’il a « toujours travaillé », a « un compte bancaire bien fourni » et donc pas besoin d’argent. Sans ami, avec des problèmes d’addictologie à la drogue il y a quelques années, et à l’alcool plus récemment, il serait par contre « en détresse psychologique ». Elle affirme qu’il a besoin d’aide et que son profil ne correspond pas au milieu carcéral. « Je ne suis pas fait pour être enfermé », insiste de son côté le prévenu, qui se dit prêt à répondre aux obligations de la cour et souhaite retravailler.

Le substitut du procureur lui oppose un casier judiciaire avec cinq mentions, dont une pour stupéfiants, ce qui place le prévenu en situation de récidive. Pour lui, les faits sont caractérisés et vont bien plus loin qu’une « simple erreur ». La quantité de drogue dans les sacs a été établie à 99 kg de cocaïne pure. Elle aurait pu être diluée pour distribuer jusqu’à trois fois son poids. Le montant estimé de sa revente, suivant qu’elle soit au détail ou en gros, s’établirait entre « 3,3 et 19,6 millions d’euros ». « Ça aurait inondé le 76 et au-delà pendant une durée indéterminé », remarque le procureur. Il requiert six ans d’emprisonnement et demande à la présidente de prononcer « l’entière détention » du prévenu.

De son côté, l’avocate d’Anis demande la relaxe pour les faits de transports et de détention de stupéfiant, assurant que la manipulation avait lieu dans le cadre de son travail. Elle remet aussi en cause le détournement, la drogue n’ayant au final pas quitté le site. Le tribunal reconnaît finalement le prévenu « coupable de l’ensemble des faits »et prononce une peine de trois ans d’emprisonnement, dont deux ans de sursis probatoire avec obligation de travailler.

Le prénom a été changé*

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