A Almaty, au Kazakhstan, la quête des familles pour retrouver leurs proches arrêtés

02/06/2022 Par acomputer 531 Vues

A Almaty, au Kazakhstan, la quête des familles pour retrouver leurs proches arrêtés

Dix jours après la vague de violences qui a déchiré Almaty, poumon économique et culturel du Kazakhstan, un rideau opaque vient d’être tiré sur sa mairie incendiée. Autrefois trépidante, la ville est aujourd’hui prostrée dans le deuil et le doute. Onze portraits de policiers et de militaires tués pendant les troubles se succèdent sur les écrans géants de la place. Mais rien pour rappeler les plus de 200 civils morts lors des manifestations contre la hausse des prix de l’énergie qui ont débuté le 2 janvier. Les militaires russes, venus prêter main-forte au régime, se sont engouffrés dans leurs avions gros-porteurs et disparaissent vers le nord.

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Civils abattus sans raison, arrestations arbitraires, torture pour extorquer des aveux… Telle une locomotive lancée à pleine vitesse, la machine répressive s’emballe. Dans la cabine, un président, Kassym-Jomart Tokaïev. Au pouvoir depuis 2019, il s’est affranchi de la tutelle de son maître, Noursoultan Nazarbaïev, figure politique incontournable du pays pendant trente ans, et prétend construire un « nouveau Kazakhstan ». Mais l’émancipation s’est accompagnée d’une rhétorique féroce. Le 8 janvier, M. Tokaïev expliquait dans un tweet le bain de sang par une attaque de « 20 000 terroristes » sur Almaty. Certains « parlaient des langues autres que le kazakh » et étaient « dirigés d’un seul centre », a-t-il assuré. La veille, il avait ordonné aux forces de l’ordre de « tirer sans sommation » sur les « bandits et terroristes ».

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Depuis, aucune information n’a filtré sur ce mystérieux « centre unique », ni sur les « étrangers » déferlant sur Almaty. On ignore toujours pourquoi la police a brusquement disparu dans la soirée du 5 janvier, livrant deux millions d’habitants à des bandes de pillards, parfois armés. On ignore aussi qui a « kidnappé » – selon la police – quarante et un corps, disparus des morgues de la ville, pourtant gardées par des policiers et entourées de caméras de surveillance.

Civils pris au piège

A Almaty, au Kazakhstan, la quête des familles pour retrouver leurs proches arrêtés

Ce qui remonte désormais, ce sont les témoignages de civils pris au piège entre les mystérieuses bandes armées et les forces de l’ordre, sous pression politique pour arrêter ces 20 000 « terroristes ».

Le mercredi 5 janvier vers midi, lorsque Sayat Adilbekuly, 28 ans, sort de chez lui afin d’acheter des médicaments, il n’a aucune idée de ce qui se trame. Sa fille de 1 an et demi est malade depuis une semaine, sa fièvre est remontée et elle tousse fortement. Ce photographe de mariage tente de commander des médicaments par Internet avec livraison express. En vain. Des manifestations se déroulent dans le centre-ville, cela n’a rien d’inédit. L’homme prend alors sa voiture, fait le tour des pharmacies de son quartier, dans la banlieue d’Almaty. Elles sont toutes fermées. Il appelle son épouse Guzal pour expliquer son retard et décide de se rendre au centre-ville, à la pharmacie générale.

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