Marie Kondo sur Netflix : la reine du rangement est aussi une machine à cash

22/10/2022 Par acomputer 440 Vues

Marie Kondo sur Netflix : la reine du rangement est aussi une machine à cash

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Constance Vilanova

Publié le 09/01/19 mis à jour le 08/12/20

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L’organisation et l’ordre débarquent sur Netflix pour la nouvelle année. Dans “L’Art du rangement”, Marie Kondo, reine japonaise de l’intérieur ordonné, apprend à huit familles américaines à trier et plier. Une télé-réalité d’une bienveillance extrême qui cache des gros sous.

« Si c’est autant le bazar dans ta chambre, c’est que c’est pareil dans ta tête. » Ce type de mantra répété à l’envi par notre mère pendant l’adolescence avait le don de nous rendre chèvre. Pourtant, regarder sur petit écran des personnes mettre en ordre leur cuisine et leur chambre est bien la tendance de ce début d’année 2019. Preuve en est : le triomphe de la déesse du rangement, Marie Kondo, et sa télé-réalité sortie sur Netflix. Depuis 2011, l’essayiste nippone rencontre un succès planétaire avec sa méthode de rangement minimaliste. Explication du phénomène KonMari et de ses dérives.

Marie Kondo superstar ok, mais c’est qui ?

A 34 ans, Marie Kondo a été sacrée reine mondiale du rangement. Selon son éditeur, la Japonaise tombe amoureuse à 5 ans des « magazines de ménage » – les exemples de titres ne se bousculent pas dans ma tête, pardonnez-moi – et commence très jeune à étudier « l’art du rangement et du nettoyage ». Pendant sa deuxième année d’études en sociologie, elle développe une stratégie et devient consultante dans ce domaine. Repérée en 2010, alors que son futur ouvrage sur sa méthode n’est que page blanche, Tomohiro Takahashi, éditeur de la maison d’édition nippone Sunmark, flaire la machine à cash Kondo. Un an plus tard – en quelques mois grâce à une campagne 2.0 bien ficelée –, elle publie son essai La Magie du rangement, étrange cocktail entre développement personnel et méthode de pliage qui rencontre un succès phénoménal dans l’archipel. Du haut de son mètre quarante, avec son mantra « La vie ne commence vraiment que lorsqu’on a remis de l’ordre chez soi », le petit gabarit se mue en poids lourd du business. Le Time la place même parmi les cent personnalités les plus influentes de l’année en 2015. Dotée d’un million de followers sur Instagram, elle a publié trois autres ouvrages, dont une adaptation en manga de son best-seller vendu à dix millions d’exemplaires et traduit en trente-cinq langues à travers quarante pays. Aujourd’hui, il est même possible de s’acheter des kits de boîtes de rangement d’une simplicité rare estampillés Marie Kondo pour 89 dollars.

Qu’est-ce que la révolutionnaire “KonMari method” et pourquoi ça marche ?

Pour ranger à la Marie Kondo, il faut suivre un rituel pseudo zen très précis qui permet de se relaxer en mettant de l’ordre pour se débarrasser du superflu. L’impératrice de l’organisation surfe sur la vague anti-société de consommation. Les objets doivent être classés par catégorie et non par pièce et les commodes prennent des airs de porte-documents avec des tee-shirts disposés à la verticale. Pour savoir s’il faut jeter ou garder un objet, Marie Kondo conseille de le prendre dans ses mains pour sentir si celui-ci procure « une étincelle du bonheur », parce que,oui, « les objets sont faits d’énergie ». Si une vieille chaussette de 10 ans ne vous rend pas heureux, avant de la jeter, il faut la saluer et la remercier – non, vous n’êtes pas le seul à lever les yeux au ciel. Rendez hommage à la chaussette pour ses bons et loyaux services et, en plus de vivre dans une boutique Muji, vous ressentirez la paix intérieure.

Marie Kondo sur Netflix : la reine du rangement est aussi une machine à cash

Les véritables adeptes de Marie Kondo peuvent obtenir une certification officielle grâce à la KonMari Media Inc. Il suffit de déverser 2 000 dollars pour un séminaire de quelques jours (billet d’avion et logement non compris). Les consultants certifiés sont classés par niveau : plus vous dépensez pour les formations, plus vous êtes légitime. N’oubliez pas l’adhésion annuelle de 500 dollars. Sur Instagram, les consultantes s’échangent les mantras de leur grand manitou aux tenues enfantines. En prônant le retour à l’essentiel, Marie Kondo est parvenue à se construire un clan, et on frôle la dynamique sectaire 2.0.

“L’Art du rangement avec Marie Kondo” sur Netflix, c’est quoi le concept ?

Le mois de janvier a des airs de bonnes résolutions. Ça tombe très bien car Netflix sort sa nouvelle télé-réalité, L’Art du rangement avec Marie Kondo. La déesse des logis où rien ne dépasse s’incruste dans huit foyers américains pendant plusieurs semaines, et prouve que bien ranger, c’est le début du bonheur. Mix entre le regretté C’est du propre (M6) en moins ignoble et Queer eye (Netflix) en plus barbant, chaque épisode se structure de la même manière avec une famille et une problématique : une veuve qui a du mal à se séparer des vêtements de son époux, un couple qui va avoir son premier enfant, une famille précaire qui ne s’adapte pas à son nouvel appartement plus petit que le précédent… Marie Kondo déambule dans ces fouillis relatifs, toujours adorable, flanquée de sa traductrice en distillant des conseils face caméra sur fond d’appartement impeccable : comment plier son drap-housse ? Comment trier ses papiers ?

Est-ce que ça vaut le coup ?

Non. D’abord parce que les épisodes sont calqués les uns sur les autres dans cette fresque publicitaire qui met Marie Kondo sur un piédestal, câlinée d’ailleurs comme un doudou par chaque participant. Ensuite parce que l’avant/après n’est pas si hallucinant que ça et qu’il titille à peine notre côté voyeuriste. On rêvait de montagnes de bibelots et on se retrouve face à des casseroles entassées dans un évier et des pièces qui servent de débarras – on a grandi avec deux débarras et un tiroir à chaussettes dépareillées pour sept : Marie Kondo ferait un infarctus. Les épisodes, bourrés de bienveillance hypocrite à l’américaine, écœurent avec un casting ultra hétéroclite qui fait pourtant plonger chaque épisode tête la première dans les stéréotypes : un couple d’hommes, de femmes, une famille noire et une latina, etc.

Seul intérêt de ce désert lisse : la télé-réalité permet de se rappeler à quel point les hommes accomplissent le strict minimum dans la sphère domestique. « Je m’en veux parce que c’est mon rôle de faire de cette maison un foyer, de laver le linge », affirme une des mères de famille. « S’il ne veut pas ranger, il ne le fera pas. Il faut qu’il soit motivé », confie une autre devant son époux, sourire goguenard accroché aux lèvres. Avec superficialité, Marie Kondo semble alléger la charge mentale de ces femmes qu’elle aide, mais pour combien de temps ?

Constance Vilanova

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