"Underground" et féministe, l'essor balbutiant de la contraception masculine

12/01/2023 Par acomputer 381 Vues

"Underground" et féministe, l'essor balbutiant de la contraception masculine

(AFP) - Ils portent des "slips chauffants", un anneau autour des testicules, ou préfèrent une piqûre hebdomadaire: quelques milliers d'hommes en France ont fait le choix innovant de la contraception masculine, une tendance saluée dans les cercles féministes, ravis que les hommes prennent aussi leur part de cette "charge mentale".

Hormonal ou "thermique", ce type de contraception reste peu pratiqué et se heurte encore à un "obstacle sociétal", note Guillaume Daudin, co-auteur d'un livre-enquête sur le sujet, "Les Contraceptés" (éditions Steinkis), en librairies le 14 octobre.

"Pour beaucoup d'hommes, porter atteinte à leur fertilité est encore perçu comme une remise en cause de leur virilité", observe ce journaliste à l'AFP de 34 ans, qui depuis un an a lui-même basculé dans le camp "un peu underground" des hommes "contraceptés".

Le phénomène est cependant en nette hausse depuis quelques années, révèle son enquête, menée avec son confrère Stéphane Jourdain et transcrite en bande dessinée par la dessinatrice Caroline Lee.

"Il y a une vraie demande. Principalement d'hommes qui disent vouloir partager la charge contraceptive", confirme Maxime Labrit, qui en deux ans a fabriqué et commercialisé, depuis chez lui près de Bordeaux, quelque 10.000 anneaux en silicone à placer autour des bourses et de la base du pénis.

Porté toute la journée (mais pas la nuit), l'anneau entraîne une remontée des testicules hors du scrotum. Habituellement 2 à 4 degrés plus froides que le reste du corps, les glandes sexuelles ainsi "réchauffées" ne produisent plus de spermatozoïdes. Après trois mois d'utilisation quotidienne, l'homme devient infertile, un processus réversible lorsqu'on cesse de porter l'anneau, affirme son concepteur.

- "Ateliers de couture" -

Cette méthode "thermique" peut également se pratiquer à l'aide d'un sous-vêtement qui remonte les testicules - et que les hommes fabriquent parfois eux-mêmes, lors d'"ateliers couture".

Elle est présentée comme efficace et sans effet secondaire dans une étude publiée sur le site de l'Association française d'urologie. Mais, faute d'étude à grande échelle, n'a pas été validée par les autorités sanitaires: puisqu'il "revendique une action contraceptive", l'anneau "est considéré comme un dispositif médical" et devrait donc "disposer d'un marquage CE, dont il ne dispose pas à ce jour", a indiqué à l'AFP une porte-parole de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

L'agence précise être "en contact" avec la société fabriquant ce produit pour "l'accompagner dans ses démarches de mise en conformité".

Les promoteurs de la méthode craignent cependant une possible interdiction. Or, "une réponse pertinente ne consiste pas à interdire un dispositif, mais à accompagner les évolutions d'une société", ont fait valoir dans une tribune publiée récemment par Libération, plusieurs associations, dont le Planning familial.

Elles estiment que le gouvernement devrait soutenir davantage la recherche sur ce sujet, mais aussi promouvoir la vasectomie, méthode de contraception quasi-définitive très courante aux Etats-Unis mais marginale en France.

Début septembre, le gouvernement a annoncé la gratuité de la contraception... pour les femmes de moins de 25 ans. "C'est très bien, mais pourquoi on ne met pas des moyens supplémentaires dans la recherche sur la contraception masculine?", s'interroge Marylie Breuil, du collectif "Nous Toutes".

C'est "l'une des prochaines étapes vers plus d'égalité entre les sexes", juge cette militante féministe. Car "actuellement, c'est la femme qui va chez le médecin, paie, prend la contraception, met une alarme sur son téléphone pour ne pas oublier. Et l'homme, lui, n'a rien à faire. Parfois il sait à peine comment ça marche".

La gratuité pour les jeunes femmes était une "priorité très nette" pour le gouvernement, puisqu'"aujourd'hui le poids financier de la contraception repose avant tout sur les femmes", a répondu à l'AFP le ministre de la Santé, Olivier Véran, dans une déclaration transmise par son cabinet. "Je le vois comme une première étape", a ajouté M. Véran, pour qui "la question plus large de la contraception masculine doit faire son chemin dans notre société", car "il n'y a pas de raison que le poids de ces questions ne repose toujours que sur le même membre du couple".

Pour de nombreuses femmes, difficile toutefois d'imaginer rétrocéder complètement cette charge à leur partenaire: certaines auraient trop "peur de perdre le contrôle de leur corps", pour lequel le mouvement féministe a longtemps lutté, observe Mme Breuil.