6 Nations. Ovale Masqué revient sur France-Angleterre et c'est "brutal"

02/08/2022 Par acomputer 428 Vues

6 Nations. Ovale Masqué revient sur France-Angleterre et c'est "brutal"

Par Ovale Masqué Publié leActu RugbyVoir mon actu

Le premier Tournoi des 6 Nations après une Coupe du monde, c’est un peu comme les débuts d’une nouvelle relation amoureuse. On apprend à découvrir celui avec qui l’on va passer les prochaines années de notre vie (normalement, ça devrait durer minimum 4 ans, mais on n’est pas à l’abri d’une rupture brutale et d’un divorce qui finit au tribunal). Au début, on est sous le charme, plein d’espoir, sans doute un peu naïf. On ne voit que les qualités chez l’autre. Un autre qui veille bien à se montrer sous son meilleur jour, à tel point qu’on finit par se demander vraiment pourquoi on vous a déconseillé de le fréquenter, et d’où sortent toutes les horribles histoires qui circulent à son sujet.

En principe, la lune de miel ne dure qu’un petit moment. Pour Marco le beau bronzé, ça avait été à peu près un an. Ah qu’est-ce qu’on était exigeant, à l’époque ! Avec le recul, on se dit qu’il était pas si mal. Puis bon, il avait des tas de défauts, mais au moins il était beau gosse. Ensuite il y a eu Philou le bariton, avec qui la magie a opéré une petite année aussi, puis vous en avez vite eu marre de ses pleurnicheries. Avec Guy, le marin buriné, ça commençait à sentir mauvais au bout de 6 mois, surtout que votre entourage l’avait dans l’œil dès le départ. Jacquo la stach’ ? Bon, lui vous n’y avez jamais cru, c’était le « rebound guy » qu’on vous a trouvé pour passer le temps en attendant de retrouver une relation sérieuse.

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Combien de temps Fabien le geek va t-il tenir ? Pour l’instant, vous êtes totalement sous le charme. Il porte des petites lunettes qui lui donnent l’air intelligent et emploie plein de mots savants. Emploie plein de monde aussi, puisqu’il dispose d’un staff de 180 personnes, dont des techniciens de la NASA chargés de l’aider à pérenniser votre relation. Avec lui, on sait toujours quand la bouteille de lait qui traîne dans le frigo est périmée ou pas. Vos rapports sexuels sont également chronométrés, filmés et analysés lors de longues séquences sur un rétroprojecteur. Le tout en présence de plusieurs techniciens, ce qui est un peu gênant, mais il paraît que c’est nécessaire pour atteindre « les standards internationaux ».

On ne sait pas si Fabien est vraiment « le bon ». Mais en tout cas, au niveau des apparences, il a l’air de l’être. Et c’est déjà une petite révolution tant vous avez été habitué à traîner avec des bras cassés depuis le début de votre vie sentimentale. Première étape pour tester la solidité de vos liens ? Un petit après-midi à boire le thé chez des « amis » anglais. Généralement, c’est encore plus révélateur qu’un dîner avec vos beaux-parents.

La compo :

Le film du match :

Note : Ce compte-rendu est garanti 100 % sans blague sur le Brexit. Parce que quand c’est trop facile, on ne prend pas de plaisir. C’est d’ailleurs pour ça que le XV de France arrête systématiquement de jouer à partir de la 60e minute.

Avant-Match : En hommage à Fabien Galthié, la première Marseillaise de cette nouvelle ère est jouée « à très haute intensité ». On est à deux doigts du remix en accéléré par Crazy Frog. Le public du Stade de France est totalement largué et déjà essoufflé avant le coup d’envoi. Le ton est donné : même les spectateurs vont devoir subir les tortures de Thibault Giroud pour réussir à tenir le rythme pendant 4 ans.

Pendant qu’on polémique sur les propos d’Eddie Jones, Joe Marler continue d’en avoir rien à péter, et c’est pour ça qu’on l’aime. (©BBC)

1e : Le coup d’envoi tapé par Owen Farrell est réceptionné par Gregory Alldritt. Le numéro 8 français est immédiatement mis sous pression et se prend une bonne grosse reculade. Une action qui va symboliser l’exact opposé de ce qui va se passer pendant les 60 prochaines minutes.

3e : Comme on pouvait s’y attendre, les Anglais ont décidé de tester la solidité d’Anthony Bouthier pour sa première sélection. L’arrière réceptionne sa première chandelle sans difficulté. Titulariser un mec qui a passé la majeure partie de sa carrière en Bretagne pour jouer un match sous la pluie : finalement, peut-être que Fabien Galthié est le fameux stratège que l’on attendait tous.

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4e : Première touche pour les Bleus et première frayeur pour le Stade de France. Julien Marchand expédie le ballon dans les bras de Sam Underhill qui pénètre dans les 22m. Mais la défense française est agressive et les Anglais perdent le ballon.

5e : Première attaque tricolore dans le camp anglais. Dupont sert parfaitement Teddy Thomas dans l’intervalle. L’ailier du Racing 92 perce sur plusieurs mètres, mais ne parvient pas à éliminer l’arrière anglais pour marquer (par conséquent, tout le monde le traitera de gros nul sur Twitter, puisqu’il semble avoir récupéré le poste de punching bag numérique de Yoann Huget). L’action se poursuit néanmoins sur plusieurs temps de jeu, et cette fois c’est Ntamack qui trouve la faille, avec un retour intérieur habile pour Vincent Rattez, qui s’était caché derrière son nez pour échapper à la vigilance des Anglais. Le Rochelais raffûte Ben Youngs et inscrit le premier essai de la rencontre. 7-0 après la transformation.

14e : Nouveau temps fort français dans les 22 après une chandelle de Ntamack déviée par Thomas et récupérée par Ollivon. La défense de la Rose tient bon mais se met à la faute. Ntamack en profite pour creuser l’écart, 10-0.

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17e : Selon toute vraisemblance Manu Tuilagi a reçu pour mission d’exécuter Romain Ntamack, puisque toutes ses interventions se résument à prendre le ballon et à foncer à toute allure sur le demi d’ouverture français. Hélas, le tueur à gages samoan a l’air un peu trop fragile pour supporter « l’intensité et la brutalité » de la partie. Blessé, il quitte le terrain et est remplacé par le bien moins puissant Joseph, qui va traverser ce match comme j’ai traversé mes années à la fac, avec un savant mélange de désintérêt et d’incompréhension.

Alors Courtney, tu les trouves trop tendres ces petits Bleus ? (©BBC)

19e : Dupont tape un coup de pied dans la boîte, dont la trajectoire est déviée par un bras anglais. À la retombée, Ollivon et Lawes sont à la lutte, le ballon est cafouillé et tombe dans les bras de Rattez. Les Anglais s’arrêtent de jouer en croyant à un en-avant. Rattez, lui, continue et fixe le dernier défenseur avec de redonner à Ollivon, qui va conclure après une course de 30 mètres.

Nigel Owens demande la vidéo. Ollivon a t-il projeté le ballon en avant avec sa main lorsqu’il était à la lutte avec Lawes ? A priori ça va être facile de le savoir, sachant que les deux joueurs ont une couleur de peau différente et que l’Anglais est tatoué comme un taulard. Et pourtant, au ralenti, on ne comprend pas grand chose, et c’est typiquement le genre de décision qui peut tomber d’un côté comme de l’autre suivant l’humeur de l’arbitre. Par chance, aujourd’hui, Nigel est d’humeur à porter des marinières et à fumer des gitanes. Essai validé. Ntamack réussit un très beau coup de pied en coin, 17-0.

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25e : Vexés comme si un barman leur avait annoncé qu’on ne servait pas de fish and chips dans son pub, les Anglais connaissent une nouvelle période de domination dans les 22m. Mais l’on commence alors à comprendre que l’on est dans un jour où rien ne peut arriver aux Français. Le Roux, Alldritt et Fickou enchaînent les plaquages dominants. Itoje, Curry et Underhill, qui avaient dévoré les All Blacks il y a quelques mois, ont tous l’air de chatons apeurés face à la rugosité de la défense bleue.

Youngs et Ford se lancent dans un grand concours de celui qui réussira les passes les plus molles et flottantes, tandis qu’Owen Farrell, orphelin de son papa de coach, ressemble encore plus à un enfant triste et en colère que d’habitude. Les Blancs finissent par perdre la possession et Anthony Bouthier expédie la ballon jusqu ‘à Aubervilliers d’un magistral coup de tatane. Cette fois c’est certain, les Bleus sont bénis par l’esprit de Yionel Beauxis. Tel Mufasa dans le Roi Lion, son immense visage translucide pose son regard protecteur sur les Bleus depuis les nuages au-dessus du Stade de France. Il s’adresse à toute l’équipe : « Vous aviez oublié qui vous étiez. Vous valez mieux que ce que vous êtes devenus. Il vous faut reprendre votre place au classement World Rugby ! Vous aviez oublié que vous étiez Français ! »

31e : Nouvelle illustration de l’impuissance anglaise avec une nouvelle offensive dans les 22m avortées, cette fois-ci par un bon grattage de Gregory Alldritt qui, pour l’instant, réalise le match de sa vie. Imaginez le terrible chagrin des Écossais, qui, en plus d’avoir perdu contre l’Irlande de la façon la plus inimaginablement cruelle possible, se rendent compte que le meilleur joueur est français.

41e : Les Anglais sont ENCORE dans nos 22 mètres, et pourtant, ils donnent l’impression de se situer à plus de 42 kilomètres de notre en-but, tant cette zone leur semble inaccessible. Après une séquence de 15 temps de jeu, Ewels échappe le ballon et les Bleus rentrent au vestiaire sur un net 17-0. Paradoxalement, ce tableau d’affichage est particulièrement angoissant au vu de notre histoire récente, et c’est limite si on ne préférerait pas être menés au score.

42e : La seconde période débute comme la première s’est terminée, avec des Anglais à 10 mètres de l’en-but, qui semblent aussi interloqués et sans solution que moi face à une notice Ikea. Joseph est à deux doigts de marquer mais explose à l’impact avant de passer la ligne. Puis le ballon est à nouveau perdu sur une séance de pick and go au ras.

53e : Frusté par l’échec du plan qui consistait à projeter Ntamack sous les roues du tank Tuilagi, les Anglais diversifient leur tactique avec un bon vieux plaquage à retardement. Le jeune demi d’ouverture n’ayant pas perdu l’usage de ses jambes, ça ne siffle pas.

54e : Les hommes de Fabien Galthié sortent enfin de leur camp après un bon contest de Jefferson Poirot, auteur d’une entrée remarquée. Ntamack tape en touche. Ollivon dévie le ballon pour Cros, qui est arrêté net et passe un peu en urgence pour Dupont. Le demi de mêlée nous sert alors son tour de magie habituel et réussit inexplicablement à prendre un trou entre 11 joueurs. Il termine sa chevauchée pour une passe dans le bon timing pour Ollivon, toujours là au bon endroit au bon moment. Doublé pour le capitaine, transformation, 24-0. On se met alors à rêver de voir les Anglais se prendre un fanny au Stade de France, mais on ne va pas rêver trop longtemps.

On notera au passage un début de bagarre avec un coup de coude de ninja de Luke Cowan-Dickie. Typiquement le genre de geste violent et gratuit que les Français faisaient quand ils étaient frustrés de se prendre des branlées contre le XV de la Rose. Quel plaisir de voir la situation s’inverser !

56e : Jonny May, qui se sent sûrement encore un peu con d’avoir complètement arrêté de jouer sur le premier essai d’Ollivon, décide de sauver la patrie à lui seul. Et il le fait plutôt bien. Servi sur son aile, l’ailier tape à suivre par dessus Bouthier et profite du placement hasardeux de Thomas pour le devancer et aller marquer. 24-7.

63e : On arrive donc à cette fameuse période sponsorisée par la Fédération Française des Cardiaques où les Français décident de ne plus toucher un seul ballon en attaque et de subir, subir, jusqu’à ce qu’on soit tenté d’éteindre notre télé et d’aller faire un footing pour nous détendre. Heureusement, côté défense, l’agressivité est toujours là, à l’image des interventions de Gaël Fickou.

En 2012, on avait découvert et admiré ce joueur pour ses appuis déroutants et sa vitesse. 8 ans plus tard il a accompli sa métamorphose sous l’égide de Shaun Edwards, et semble être devenu l’effrayant croisement entre Richard Dourthe et David Marty. 19 plaquages sur ce match, soit plus que Maxime Mermoz sur l’intégralité de ses 35 sélections.

65e : Malgré l’agressivité française, la défense craque une nouvelle fois, et c’est encore Jonny May qui fout son bordel. Vakatawa réalise une montée suicide qui ouvre des espaces pour le véloce ailier, et derrière c’est le championnat du monde de air-plaquages. On regrette alors l’absence de Yoann Huget, qui n’aurait probablement pas fait mieux que ses coéquipiers, mais qui au moins aurait inventé quelque chose de spectaculaire et rigolo, comme une glissade, une rondade ou un salto avec un bruitage de Tex Avery. On ne t’oublie pas Bubulle. 24-14.

70e : Le chrono continue de tourner et tous les supporters tricolores se désintéressent de ce qui se passe sur le terrain. Le match, ils sont en train de leur faire dans leur tête. Qui va craquer ? Comment ? Une interception, un coup de boule, une fourchette ? Une grève du plaquage, pour réaffirmer notre profonde identité française ? Devant sa télé à Clermont-Ferrand, Sébastien Vahaamahina soupire « au moins, cette fois ce ne sera pas ma faute ».

76e : Les hommes d’Eddie Jones sont de retour dans les 22 mètres, où ils ont désormais construit une petite cabane. Probablement le seul endroit en Ile-de-France où le mètre carré n’est pas encore à 10 000 euros. Après une longue séquence, Kruis est lancé comme un frelon sous les poteaux, mais Bouthier et quelques camarades parviennent à se positionner sous lui pour l’empêcher d’aplatir.

78e : Au tour d’Antoine Dupont de sauver la patrie avec une cartouche mémorable sur Heinz.

79e : Après avoir accompagné Anthony Bouthier plus tôt dans le match, l’esprit de Yionel Beauxis fait son retour dans le ciel de Saint-Denis. « Antoine ! Ne fais pas comme moi, trouve la touche ! » implore t-il au jeune demi de mêlée français. Celui-ci s’exécute immédiatement et expédie le ballon dans les tribunes. Malheureusement il ne pense pas à vérifier le chrono avant de le faire. Comme quoi, on critique la Paris la Défense Arena, mais ça n’y serait jamais arrivé avec cet écran géant de 4 kilomètres.

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80e : Ce grand moment de sang-froid à la française sera heureusement sans conséquence. Les Anglais profiteront tout de même de leur ultime possession pour obtenir et convertir une pénalité. Voir les vice-champions du monde réduits à prendre les 3 points pour avoir le bonus défensif, quoi de plus humiliant, finalement ? C’est sur cette conclusion parfaite que le match se termine. 24-17.

La conclusion

Après cette très belle victoire inaugurale, une question se pose naturellement : où serez-vous le 23 octobre 2023 pour fêter le premier sacre Mondial des Bleus ? Au Stade de France ? Dans votre pub favori ? Sur les Champs-Élysées ? Attention toutefois, le futur est toujours incertain, et il vous faudra rester vivant durant les prochains 1356 jours pour vous assurer de ne pas rater cet événement historique.

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Plus sérieusement, cette victoire est immensément jouissive, mais il vaut mieux éviter de s’asperger d’essence et de craquer une allumette trop tôt. Rappelons qu’il y a deux ans, Jacques Brunel aussi avait battu une Angleterre à côté de ses pompes, qui plus est avec une composition d’équipe tout droit sortie de l’enfer rugbystique, où figuraient Hugo Bonneval, Rémy Grosso, Benjamin Fall, Maxime Machenaud ou François Trinh-Duc.

Si on veut vraiment jouer au rabat-joie, on peut aussi remarquer que les Bleus ont fait à peu près le même match que d’habitude, sauf que cette fois, la French Chatte © était de leur côté sur un essai litigieux. Si l’on observe les statistiques, on peut pointer du doigt une conquête défaillante, ou le fait que les Anglais ont largement dominé en matière de possession et d’occupation. On peut aussi se dire que, plus encore que Fabien Galthié, l’homme clef de ce succès aura peut-être été Eddie Jones, dont le discours d’avant-match a vraisemblablement produit des effets miraculeux sur les Bleus.

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Des interrogations et des doutes légitimes, que l’on peut toutefois aisément balayer avec une phrase magique : ON A NIQUÉ LES ANGLAIS. Parce que, parfois, il faut savoir jouir du moment présent et oublier pendant un temps que le rugby français a toujours été un ivrogne qui passe son temps à danser au bord d’une falaise. On se doute bien qu’il va bien finir par tomber, mais en attendant, admirons-le se mouvoir avec une grâce étonnante.

* Note : Ovale Masqué est un chroniqueur humoristique, au ton volontairement décalé. Ceci n’est pas une fake news, mais du second degré…

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