La synergologie ou comment nos gestes disent tout de nous

25/12/2022 Par acomputer 482 Vues

La synergologie ou comment nos gestes disent tout de nous

Les mains cachées sous la table? Le signe d’une écoute humble et respectueuse. Des sourcils qui bougent constamment? Le besoin de séduire – Marilyn Monroe en est un exemple vibrant. Des microdémangeaisons à la clavicule, appelée la «clé du cœur» par les Grecs anciens? L’expression de la générosité.

Notre corps parlerait-il vraiment et de manière universelle, indépendamment de nos histoires de vie et de nos ancrages culturels? Oui, répond Philippe Turchet dans Le Grand Livre de la synergologie, somme de 400 pages consacrée à cette pratique, la lecture du langage corporel, qui, dit le spécialiste, s’est beaucoup renforcée grâce aux techniques numériques. «En comparant des milliers de vidéos, nous avons pu établir le premier Tableau d’éléments corporels (TEC) qui regroupe toutes les postures humaines et ainsi trouver des éléments de pensée communs pour chaque situation.»

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Mais pourquoi? Quel est l’intérêt d’un tel répertoire qui semble sorti d’un vieux grimoire? «La synergologie permet de mieux comprendre les non-dits de l’autre et de mieux communiquer. Il s’agit d’une approche aidante et non jugeante», assure le spécialiste dans cet ouvrage à la fois copieux et ludique, qui paraît le 27 janvier prochain aux Editions de l’Homme.

Le menteur manque d’incarnation

D’abord, cette question qui brûle les lèvres. La synergologie permet-elle de détecter le mensonge chez son interlocuteur? «Oui, mais pas de la manière attendue», informe l’auteur. On imagine que c’est le malaise du menteur qui va le trahir. Trop facile, sanctionne le spécialiste. Car le menteur rationalise son récit et gère ses émotions de sorte à éviter tout signe de confusion. Par contre, plusieurs manifestations, comme le regard trop soutenu et le manque d’incarnation, le trahissent.

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Ainsi, détaille Philippe Turchet, quand quelqu’un évoque un repas en souhaitant passer sous silence la présence compromettante d’un ou d’une convive, il faut l’interroger sur ce qu’il a mangé. Si ses yeux ne descendent pas en direction de l’assiette pour se souvenir des mets de la soirée, c’est la preuve que le narrateur reste en surface, dans un récit dont il ne veut pas perdre la maîtrise mentale. Pareil pour le temps qu’il faisait ou le vin qu’il a bu. Chaque fois que l’auteur d’une histoire arrangée doit s’exprimer sur un élément concret, il manque de précision, «car c’est grâce à la mémoire corporelle inconsciente que le geste juste émerge. On appelle ça l’embodiment», détaille le synergologue.

Le sourire de la gêne

Qui poursuit en désamorçant deux idées reçues. Le croisement des bras ou des jambes n’est pas forcément un signe de fermeture. Et le sourire ne manifeste pas toujours de la bienveillance. Des membres croisés n’indiquent une fermeture que si l’interlocuteur se recule dans son siège ou barre la conversation avec son corps. S’il s’avance avec un angle ouvert, le croisement signifie qu’il crée une bulle dans laquelle il accueille son vis-à-vis.

La synergologie ou comment nos gestes disent tout de nous

Quant au sourire, il signale souvent un malaise, assure le synergologue. Déjà, il a été établi depuis longtemps que seul le sourire accompagné du plissement des yeux était un sourire vrai et sincère, mais Philippe Turchet va plus loin. «En réalité, tout sourire qui dure signale une gêne, car les personnes sécurisées dans leur relation n’éprouvent pas le besoin de montrer que tout va bien.»

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La gauche, le côté du cœur

Le lexique corporel, à présent. Dans ce vaste corpus imagé, on apprend que présenter la partie gauche de son visage témoigne d’une grande ouverture émotionnelle et assure une plus grande séduction. Le célèbre don juan Rudolph Valentino posait toujours de sorte à ce que l’on voie son oreille gauche. A l’inverse, lorsqu’on montre la partie droite de notre visage, on manifeste plus de vigilance et de sévérité, mais aussi plus d’écoute soutenue.

De manière générale, on place à gauche ce que l’on préfère, à droite ce qui nous crispe, garantit l’auteur. «Ainsi, lorsque votre collaborateur vous raconte qu’hier, il a travaillé avec Louis, Justine et Romaine et qu’au moment où il parle de Romaine, il laisse apparaître son hémivisage droit, vous pourriez lui demander comment ça se passe avec elle. Ces petites observations sont souvent suffisantes pour améliorer la dynamique de travail, il s’agit seulement d’être attentif.» Et assez subtil, donc…

Les gestes du traumatisme

Souvent, poursuit le lexique, quand on évoque des sujets graves, notre regard se fixe dans le vide pour chercher un endroit où nous poser et réfléchir. «On appelle ça la théorie du tableau blanc. Il est important de laisser à la personne le temps de finir son tableau», recommande le spécialiste. En revanche, et c’est universel, chaque fois qu’on a terminé de parler, on regarde l’autre pour «lui donner la parole comme on lui donnerait un objet».

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Y a-t-il une gestuelle du traumatisme? «On a observé que les pompiers du 11 septembre 2001 regardaient en bas à droite lorsqu’ils évoquaient cette tragédie. C’est signe qu’ils sont en train de gérer ce souvenir. Les personnes qui regardent en bas à gauche en évoquant un traumatisme témoignent d’une difficulté à en sortir», développe l’auteur.

Ça gratte, ça gratte

Dans la série des gestes d’autocontact, Philippe Turchet consacre un vaste chapitre aux microdémangeaisons. Signes d’une émotion qui s’est condensée en un point du corps et nécessite un grattage pour reprendre le contrôle. «Les hommes se grattent plus que les femmes et davantage dans les situations à enjeu de prise de pouvoir», informe-t-il. D’ailleurs, lorsque quelqu’un se gratte le bras droit tendu, mieux vaut alléger la pression en face, car «c’est une stratégie discrète pour montrer le poing»! Gratter l’extérieur du bras permet à la personne de se protéger, et quand un interlocuteur souhaite se rapprocher de son vis-à-vis, il presse volontiers l’intérieur de son bras.

Et le nez? Que raconte cet élément central? Star du grattage, il cristallise à lui seul 50% des démangeaisons du visage, documente le synergologue. L’arête du nez démange en cas de curiosité, son aile droite lorsqu’on désapprouve son interlocuteur et son aile gauche lorsque sa propre image est mise à mal…

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Le front en quête de solution

Les mains en pyramide signalent l’expertise, le microtoilettage des vêtements dit l’énervement et saisir ses lunettes entre le pouce et l’index montre un regain d’attention: la nomenclature foisonne de lectures amusantes qui donnent des clés de compréhension de son interlocuteur.

Car, insiste Philippe Turchet, il s’agit toujours d’améliorer la communication. Si lors d’une conversation, votre vis-à-vis se gratte le front, c’est qu’il est près de trouver une solution. «Laissez-lui le temps dont il a besoin.» Mais si, au contraire, il se gratte l’arrière de la tête, il a déjà abandonné sa réflexion. «Il en va de votre responsabilité de lui demander ce qu’il trouve compliqué et de coconstruire avec lui la solution.»

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Sachant que la communication repose à 55% sur les indices visuels, à 38% sur les indices vocaux et seulement à 7% sur les mots, lire le langage corporel de son interlocuteur pourrait bien ouvrir de nouveaux horizons.